Dans Pudique, Claire Roquigny raconte son enfance dans les années 80 et sa pudeur maladive. Un récit tendre et drôle sur l’acceptation de soi et les injonctions de la société sur le corps des femmes. Un premier album publié chez l'Iconoclaste et présenté dans la chronique BD de Stéphanie Gallet sur RCF.
Dans son premier album Pudique sorti au début du mois de septembre, Claire Roquigny explore son enfance et son adolescence pour comprendre d'où lui vient cette pudeur obsessionnelle.
Ce n’est pas rien de grandir dans les années 80 quand on est une petite fille. Rappelez-vous dans ces glorieuses années la télévision est reine, peuplée de femmes des plus déshabillées : la Cicciolina, les Coco girls de Collaro, les fantasmes de Benny Hill, les blagues poisseuses de Coluche, les chansons ambiguës de Gainsbourg. Une image de la femme hypersexualisée. Claire Roquigny a grandi dans ces années.
Alors bien sur, il y a son éducation, son milieu familial, l’image de sa mère aussi : Une femme trés belle, “encore plus belle que Catherine Deneuve”, une femme qui lui semble parfaite et inaccessible. Il y a aussi, on s’en doute, le poids de la société sur le corps des femmes. Autant d’injonctions qui vont peser sur la petite Claire. Elle raconte avec beaucoup d’humour et de tendresse, cette petite fille qui a du mal à manger, qui mâche un bout de viande pendant des heures sans réussir à l'avaler. Une petite fille si légère, qu’un jour elle s’envole presque dans la rue. Et puis plus tard, cette petite fille se cachera dans un infâme jogging vert. Comment ne pas attirer l’attention sur elle, comment être transparente ? Et puis viendra l’adolescence. Les premiers poils, les règles qui mettent tant de temps à arriver, les copines, l'amitié, les garçons … Enfin beaucoup plus tard les garçons … vraiment plus tard … Comment se réapproprier son corps, comment s'affirmer tel qu’on est ?
Dans cet album au trait rapide comme un croquis, il y a beaucoup d'apartés. Claire se parle à elle-même, elle échange avec une amie ou même des personnages imaginaires. “Mais pourquoi je me suis dessinée comme je suis? Je suis folle de raconter tout ca, de me jeter en pâture dit elle en se dessinant la tête entre les mains. Et pour l’aider il y a ses bonnes fées : Annie Ernaux : “c’est la vérité à dire qui compte plus que tout”, La comédienne Yolande Moreau qui l’encourage ou le comédien Guillaume Gallienne : “on ne se moquera pas de toi Darling lui fait-elle dire, personne ne te fera de croche pied à l’entracte.” Il en faudra des années pour que Claire assume sa féminité, se sente à l’aise dans son corps et apprenne à s’aimer.
Je crois que beaucoup de celles, qui comme Claire Roquigny ont grandi dans ces années-là se reconnaîtront ; dans ses difficultés d’adolescente mais aussi dans sa réflexion sur le féminisme. Elle reconnait avoir grandit en pensant que tous les grands combats féministes avaient déjà été menés : la pilule, l’avortement et même le vote et le compte bancaire mais au fond d’elle, elle le sait, rien n’est jamais vraiment acquis.
Mais peut-on être féministe quand on est aussi pudibonde ? Est-elle légitime à s’engager alors qu’elle a autant de difficultés avec son corps ? N’est-elle pas l’exemple parfait de la jeune femme soumise au patriarcat … On le voit les questions se bousculent dans sa tête.
Enfin j’ai été très sensible à ses dernières pages où elle inscrit son histoire dans celles des femmes de sa famille : sa mère, ses grands-mères, ses tantes. Toutes ces femmes qui l’ont précédée et qui, comme elle, ont essayé d’avancer dignement dans la vie. La mère de Claire Roquigny est morte pendant l’écriture de l’album. Elle n’a donc jamais pu lire tout ce que Claire aurait voulu lui dire et les cases où elle imagine un échange avec elle sont bouleversantes.
Pudique de Claire Roquigny est publié chez l’Iconoclaste
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