Comme Jean-Louis Trintignant, Philippe Noiret ou Annie Girardot, Alain Delon a souvent tourné en Italie. Une pratique fréquente dans les années 60 et 70 où acteurs et actrices français et italiens passent allègrement les Alpes dans un sens ou dans l’autre.
L’Italie a donné à Alain Delon quelques-uns de ses plus beaux rôles, tellement marquants que cités régulièrement quand bien même certains n’ont même jamais vu Rocco et ses frères, Le Guépard ou encore Le Professeur. La démonstration en cinq films.
Tout a été dit sur Rocco et ses frères, premier des deux chefs-d’oeuvre que tournera Alain Delon avec le maître Luchino Visconti: le second étant Le Guépard. Dans ce grand film néoréaliste de 1960, une année bénie pour le cinéma italien qui voit aussi la sortie de L’Avventura d’Antonioni, de La Dolce vita de Fellini, et de La Ciocciara, de De Sica, Alain Delon a le visage et l’attitude d’un ange qu’on dirait sorti d’un tableau de Fra Angelico. Tout le contraire de Renato Salvatori, alias Simone, l’un de ses frères, boxeur contrarié, doublé d’une jalousie maladive qui sera fatale à Rocco qui pour son malheur va tomber amoureux de Nadia, la fiancée de Simone, jouée par Annie Girardot sans doute dans l’un des plus beaux rôles de sa carrière. Tous les ingrédients du drame sont là tandis que Nino Rota compose une musique sombre comme rarement qui préfigure son chef-d’oeuvre que sera la BO du Parrain chez Coppola en 1972.
Film symbole d’Antonioni et de l’incommunicabilité de personnages, murés dans leurs silences, incapables de révéler la profondeur de leurs sentiments, L’Eclipse dénonce, en 1962, le matérialisme dans une Italie du boom économique. Alain Delon interprète un courtier de la bourse de Rome, impétueux et plein d’assurance qui tente de séduire Monica Vitti, belle jeune femme blonde, éthérée et perdue dans sa mélancolie à la suite d’une séparation. Alain Delon est l’incarnation du monde matérialiste contemporain. C’est aussi une œuvre majeure pour son parti pris esthétique et son témoignage urbain d’une Rome en pleine mutation, qui fait penser parfois aux tableaux de Giorgio De Chirico. Giovanni Fusco signe la musique, quant à lui, qui comporte Eclisse twist, un morceau chanté par Mina, la grande star de la chanson italienne.
Le Guépard de Luchino Visconti compte au rang des chefs-d’œuvre du panthéon mondial du cinéma. On y suit le déclin de l’aristocratie palermitaine et de la monarchie en même temps que l’avènement de l’unité italienne souhaitée par Garibaldi et Cavour. Palme d’or au Festival de Cannes 1963, le film réunit, outre Alain Delon, Claudia Cardinale et Burt Lancaster dans un sommet de cinéma, servi par des décors et des costumes fastueux. Alain Delon est à l’apogée de l’élégance et porte une chemise blanche amidonnée, une redingote et la raie sur le côte faisant de son personnage un membre de la noblesse plus vrai que nature.
Un monde qui s’éteint à petits feux mais qui continue de danser comme si de rien n’était dans l’insouciance du temps présent à l’image de cette valse, composée par Nino Rota.
En 1973, Valerio Zurlini choisit les bords de l’Adriatique et Rimini en hiver comme de décor à son film Le Professeur : La Prima Notte di quiete dans son titre original. Un titre emprunté à un poème de l’Allemand Goethe. L’un des films qui a le plus marqué Alain Delon dans sa filmographie italienne, lui qui avait déclaré se sentir comme à la maison lorsqu’il tournait en Italie. « Je me sens un Italien de coeur en grande partie grâce à trois films : Rocco et ses frères, Le Guépard et Le Professeur. » Au début des années 70, Valerio Zurlini, connu en Italie pour avoir lancé Claudia Cardinale dans La Fille à la valise en 1961, confie à Alain Delon le rôle d’un professeur de lettres dépressif tombant amoureux d’une de ses élèves au charme mystérieux jouée par la Française Sonia Petrovna, actrice au teint de porcelaine et à la beauté mystérieuse. La musique nostalgique de Mario Nascimbene participe grandement à l'atmosphère brumeuse du film. La trompette au premier plan tranche singulièrement avec la torpeur des personnages.
Cinéaste davantage connu en Italie pour ses péplums et ses westerns spaghetti qu’en France, Duccio Tessari va rencontrer un grand succès avec Zorro en 1975 en grande partie grâce à la présence d’Alain Delon dans la peau du justicier solitaire, amoureux de la belle Ottavia Piccolo. On dit que l’acteur a joué Zorro car c'était le héros préféré de son fils Anthony à l'époque, et qu’Alain Delon aurait accepté le rôle pour lui faire plaisir. Cette version franco-italienne tournée en Espagne, près de Madrid, reste une production légère et enjouée, où l’on retrouve la patte du réalisateur de westerns qu’est Tessari dans l’esprit des comédies bon enfant du duo Terence Hill-Bud Spencer. Si La Tulipe noire de Christian-Jaque avait atteint des niveaux historiques à l’étranger, notamment en URSS, Zorro fait encore mieux et sera vu par le chiffre faramineux de 55 millions de spectateurs. Zorro est le film qui a fait connaître Duccio Tessari hors d’Italie.
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