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Sessions chamaniques : pourquoi un tel engouement ?
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Sessions chamaniques : pourquoi un tel engouement ?

Un article rédigé par Thierry Lyonnet, Odile Riffaud - RCF, le 22 janvier 2024  -  Modifié le 24 janvier 2024
L'Entretien de la semaine Le néo chamanisme, une religion qui monte?

 

Il y aurait en France un millier de chamanes, dont les sessions attirent des milliers de personnes. Sons des tambours, animal totem, purification avec de la sauge... Pourquoi les rituels et les croyances néo-chamaniques suscitent-ils un tel engouement ? Quel risque de dérives sectaires ? 

 

Les rituels néo-chamaniques, comme brûler de la sauge, peuvent être faits chez soi. "Chacun recrée son sacré."©Unsplash Les rituels néo-chamaniques, comme brûler de la sauge, peuvent être faits chez soi. "Chacun recrée son sacré."©Unsplash

 

Sur internet on voit se multiplier les offres de sessions chamaniques, au cours desquelles on peut être initié au langage des tambours ou trouver son animal totem. Pourquoi un tel engouement ? Cela fait une vingtaines d'années que Denise Lombardi étudie le néo-chamanisme. Anthropologue, docteure associée au laboratoire Groupe sociétés, religions et laïcités (GSRL), un laboratoire de recherche du CNRS et de l'Ecole pratique des hautes études (EPHE), elle a publié "Le néo-chamanisme - Une religion qui monte ?" (éd. Cerf, 2023).

 

Qu’est-ce que le chamanisme ?

Le chamanisme n’est pas une religion, estime Denise Lombardi, mais une "pratique spirituelle" d’abord observée en Sibérie. L’anthropologue rappelle que "le mot a été créé presque de toute pièces par des missionnaires en 1672 pour décrire des experts rituels locaux qui bougeaient avec la partie inférieure du corps, en opposition avec les prêtres qui restaient d’une manière solennelle sur l’autel".

Le chamanisme c’est aussi toute une cosmologie. Le chamane est celui qui est "capable d’entrer en communication avec des esprits". Il y a les esprits mauvais, mais aussi ceux que le chamane peut contacter pour aider à la chasse ou guérir un individu. "C’était un phénomène social, pour des petites communautés, précise Denise Lombardi, ancré à une communauté spécifique."

 

L’engouement pour le chamanisme en Occident

L’engouement pour le chamanisme en Europe a débuté à la faveur la contre-culture américaine, dans les années 60, 70 et du mouvement New Age. "C’est à partir de ce moment-là qu’il y a une augmentation des nouvelles spiritualités ou spiritualités contemporaines."

Caractéristique de ces nouvelles spiritualités : la pratique "passe à travers la corporéité". Il y a aussi l’idée d’un ailleurs, une "altérité qui doit être lointaine, indigène". On convoque tout un imaginaire qui puise dans les cultures du Pérou ou de la Sibérie. Ces nouvelles spiritualités vont "toujours avec la littérature". Les livres de l’anthropologue américain Carlos Castaneda (1925-1998) ont connu un immense succès. 

 

→ À LIRE : Éric Julien et le mystère des chamanes kogis

 

Qu’est-ce que néo-chamanisme ?

On appelle néo-chamanisme le mouvement qui a émergé dans les années 1980-1990. Il s’agit d’une "cosmologie un peu bricolée", décrit l’anthropologue, qui puise dans les écrits de Carlos Castaneda, mais qui s'inspire aussi de l’ouvrage "Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase", de l’historien des religions Mircea Eliade (1907-1986) et des études sur les Jivaros de l’anthropologue américain Michael Harner (1929-2018).

Ce dernier avait étudié de près les peuples amérindiens, dont les Jivaros. Un peuple animiste à la "cosmologie assez compliquée", précise Denise Lombardi. Et qui, "pour entrer en contact avec les esprits qui peuplaient leur milieu prenaient de l’ayahuasca", cette préparation hallucinogène à base de lianes. "Michael Harner a eu l’idée de substituer à la prise de psychotropes les sons du tambour."

 

Les gens recherchent une forme thérapeutique de connaissance de soi

 

Néo-chamanisme : pourquoi un tel succès en France ?

En France il y aurait aujourd’hui un millier de chamanes, dont les sessions de formation attireraient des milliers de personnes. "Les gens recherchent une forme thérapeutique de connaissance de soi", observe Denise Lombardi. L’anthropologue elle estime cependant que les raisons d’un tel engouement sont "beaucoup plus complexes que ce que l’on pourrait penser". 

Souvent on est attiré par le chamanisme après une épreuve comme un divorce, la perte d’un travail, un deuil ou lorsque l’on a "des soucis au niveau psychologique", décrit l'anthropologue. Pour elle, il y a aussi un lien entre la difficulté d’accès aux services psychiatriques et le succès des pratiques alternatives.

Le néo-chamanisme est comme une réponse au désenchantement du monde. On tente de "réenchanter" sa vie, confirme Denise Lombardi. On peut d'ailleurs recréer chez soi "des espaces sacrés". Les rituels comme la purification avec la sauge peuvent être faits chez soi. "Chacun recrée son sacré."

 

Dérives sectaires : le néo-chamanisme est-il dangereux ?

Le néo-chamanisme intéresse particulièrement la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). "Je n’ai jamais entendu parler d’abus d’une manière ou d’une autre", observe toutefois Denise Lombardi. "Pour suivre un chamane il n’y a rien de plus simple que de taper sur internet, il n’y a pas de langage ou d’initiation, c’est beaucoup plus basique, il ne fait pas avoir une attitude à suivre…"

 

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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