Cette semaine, sort en salles le film "Je verrai toujours vos visages". Après "Pupille", le second long-métrage de Jeanne Herry est tout aussi bouleversant et d’une précision documentaire incroyable !
Ce mercredi à 20 heures, au cinéma "Les 7 Parnassiens" à Paris, a lieu la projection et la remise du prix Croire au cinéma 2023. Il sera décerné à Dominik Moll, réalisateur du film "La nuit du 12", en présence du jury et de l’équipe du film.
Vous vous souvenez peut-être du film "Pupille", avec Gilles Lellouche en père de famille d’accueil et de ce nouveau-né en attente d’adoption après une naissance sous X. C’était un film bouleversant et en même temps d’une précision documentaire incroyable. C’est la même chose dans ce nouveau film, "Je verrai toujours vos visages".
On sent que Jeanne Herry aime se plonger à fond dans un sujet, y déceler toute la pâte humaine qui s’y déploie. Elle s’est intéressée à un dispositif juridique assez récent (il date de 2014 en France), c’est celui de la justice restaurative. Elle permet à des victimes et à des agresseurs - voire des criminels - de se rencontrer et de se parler. Ce n’est pas leur propre agresseur mais des auteurs de faits similaires. Et il y a aussi des cas de médiation comme Chloé dans le film, jouée par Adèle Exarchopoulos, qui apprend que son frère qui l’a agressée sexuellement dans leur enfance a été libéré de prison et qu’il va revenir habiter près de chez elle.
La justice restaurative, ça se fait sur la base du volontariat, chez les détenus notamment. Et c’est dans l’optique "d’aller mieux", tout simplement, pour les victimes. Parce qu’on le sait, la justice classique ne règle pas tout, loin de là. Elle permet une réparation aux yeux de la société, ce qui est déjà énorme. Mais elle ne résout pas les traumatismes intérieurs ni les risques de récidive des délinquants.
La force du dispositif repose sur les bienfaits de l’écoute et de la parole libératrice. Ce qui se passe dans tous les cabinets de psychothérapeutes mais il va au-delà. L’essentiel réside dans
la rencontre avec l’autre, le différent, l’ennemi redouté et dans les peurs que cette rencontre fait tomber. Mais pour que la rencontre ait lieu, c’est l’aboutissement d’un très long processus
d’accompagnement, de part et d’autre, mené par des professionnels et des bénévoles spécifiquement formés. On est là à l’opposé de notre société actuelle, où tout va si vite et où on
est en permanence sommé de choisir un camp et de l’exprimer si possible en moins de 140 signes !
Le sujet peut paraître austère cinématographiquement. Jeanne Herry en fait un film de fiction qui nous tient en haleine. L’essentiel se passe dans des discussions en face à face dans des bureaux. Tout est contenu dans des mots, des silences, des hésitations. Il faut donc d’excellents acteurs pour réussir à incarner et à transmettre toutes ces émotions à travers juste l’expression d’un visage ou la posture d’un corps. Mais en même temps tout ce qu’il s’y joue est d’une très grande force émotionnelle.
Et Jeanne Herry a réuni un casting fabuleux : Adèle Exarchopoulos, Leïla Bekhti, Miou-Miou, Denis Podalydès, Jean-Pierre Darroussin. Certains, comme Gilles Lellouche ou
Élodie Bouchez faisaient déjà partie de son premier film. D’autres sont moins connus mais aussi exceptionnels : Birane Ba, un des plus jeunes pensionnaires de la Comédie-française,
qui joue un des détenus, ou Suliane Brahim, qui joue le rôle d’une animatrice, un rôle très intéressant.
Dans les groupes de paroles, ces animateurs sont là pour écouter seulement. Ils n’interviennent pas directement dans le processus mais ont un rôle de témoin silencieux et apportent juste un peu de chaleur humaine et de détente dans les moments de pause. On ressort du film complètement revivifiés et réconciliés avec la nature humaine !
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