"Un coup au coeur", d'Emmanuelle de Boysson, est publié au éditions Calmann Levy. La romancière y écrit une histoire qui lui est arrivé : une crise cardiaque, raconte Christophe Henning.
« Je suis morte le 7 février 2022. Il était 17h20 lorsque mon cœur s’est arrêté. » Ainsi comment le dernier roman d’Emmanuelle de Boysson qui n’est pas tout à fait une fiction, mais la relecture de ce qui lui est arrivé, une crise cardiaque qui aurait pu, en effet être mortelle, si ce n’était la réaction immédiate et efficace d’un massage cardiaque effectué par le compagnon de l’auteure. « Tandis qu’Anton lutte contre les courants qui m’emportent loin des vivants, j’ai lâché sac main, je me suis éclipsée, je dérive au fil de l’eau vers l’autre berge », écrit-elle, reconstituant aujourd’hui ce voyage vers l’au-delà. « Il a fallu un huitième électrochoc pour que le cœur reparte. Si les pompiers avaient renoncé, le médecin aurait constaté le décès. Une mort banale, précoce, annoncée sur les réseaux, avec en prime une petite nécro dans le Figaro. » C’est du vécu, tout y sonne juste, même ce que la romancière imagine, notamment durant toute la durée du coma dans laquelle elle est plongée…
C’est vrai, cet accroc de santé semble pour l’écrivaine une occasion de raconter une fois encore ce qu’est la vie, la vraie vie et celles aussi qu’elle a pu raconter dans ses romans, Les grandes bourgeoises, les années Solex ou Je ne vis que pour toi. Cette fois-ci, il y a malgré tout une forme de gravité. Sortant du coma, elle se souvient d’avoir revu ses parents, les images d’enfance en Alsace, elle voudrait retrouver ces phrases magnifiques qui lui sont venues et dont elle n’a pas pu garder la trace… « Durant ces jours en apnée, je ne saurais dire quand j’étais inconsciente et quand mon esprit émergeait d’un trou noir », constate l’auteure qui se révèle vite une malade impatiente. Elle sait pourtant par où elle est passée, que la vie ne tient qu’à un fil, elle est consciente de « l’effort surhumain qu’il m’a fallu faire pour rejoindre la berge, écrit Emmanuelle de Boysson. Je voudrais raconter la plongée en eaux profondes, le marathon d’écriture, les retrouvailles avec les miens et ma frayeur à l’idée de passer le gué. »
Après l’épreuve, il faut reprendre pied, et ce n’est pas si facile : « Depuis mon infarctus, il s’en est passé des choses », écrit-elle, racontant aussi l’état de faiblesse, l’étape éprouvante de la rééducation. « Le duel avec la mort a commencé en plein coma. Pour retarder l’échéance, il me faut de l’audace et une détermination farouche. La lutte est quotidienne, une vigilance de tous les instants, insiste-t-elle. Le risque est grand de me laisser couler en douceur. » Emmanuelle de Boysson ne cache rien, ne fanfaronne pas, le surjoue pas sa survie. Il faut s’accrocher, encaisser les effets collatéraux, une hypersensibilité, l’inquiétude, voire la paranoïa… « Je me sens souvent perdue, une exilée, une enfant délaissée, une maison de famille abandonnée. Suis-je plus fragile, plus vulnérable ? », se demande-t-elle, alors même qu’elle est entourée des siens, attentifs, prévenants, aimants.
C’est la force de ce roman qui parle de la vie telle qu’elle est. C’est la puissance aussi de l’écriture qu’Emmanuelle de Boysson a retrouvé avec bonheur : « Un après-midi tristounet de mars, pour la première fois depuis mon accident, l’envie de prendre la plume me taraude. Le crissement du crayon sur la feuille finit par restituer le murmure d’une fontaine, l’odeur du jasmin, la douceur d’une fourrure… L’écriture rend la vie, me redonne ce qui fait de moi quelqu’un d’unique, m’unifie, me relie aux scribes, aux bâtisseurs de cathédrales, aux potiers, aux moissonneuses, tisseuses et brodeuses. » Un livre cousu main.
Un coup au cœur d’Emmanuelle de Boysson, est publié chez Calmann Lévy.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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