Chaque jeudi, Stéphanie Gallet décrypte une photo sélectionnée par le CCFD-Terre solidaire. À l'occasion de la Journée du migrant et du réfugié du dimanche 25 septembre, focus sur une photo qui dénonce l’absurdité et la violence des contrôles aux frontières, signée Juliette Pascal.
La photographe a pris en photo la tête du cortège. Point de marée humaine, nous ne voyons que le début de la manif, un peu moins de 10 personnes. La photographe se concentre sur le premier rang :
- trois personnes sur une petite route au milieu d’un paysage enneigé
- trois personnes habillées comme au sport d’hiver, bonnet combinaison chaussures de montagne et gants
- trois personnes qui ensemble portent une banderole
Derrière elles, d’autres suivent, certaines jouent de la musique.
À l’arrière plan, il y a quelques voitures stationnées et dans la brume au fond on devine à peine la montagne enneigée.
On remarque aussi très vite trois drapeaux qui flottent au vent : le drapeau français, le drapeau européen et celui de la station de ski de Montgenèvre. Nous sommes dans les Hautes-Alpes entre la vallée de la Clarée et le val de Suze. Une station de ski familiale, cinquième domaine skiable au monde est-il écrit sur les plaquettes.
Pourquoi ces gens sont-ils de sortie ? Parce que ces passionnés de glisse, de sommets et de grands espaces sont aussi des citoyens indignés. Il faut dire que leur domaine skiable est à quelques mètres de la frontière avec l’Italie. Une frontière de plus en plus militarisée, ce qui contraint les personnes exilées à emprunter des sentiers toujours plus dangereux. L’amour des montagnes abaisse les frontières, voilà ce qui est écrit sur la banderole.
Cette photo a été prise lors de la Grande Maraude Solidaire organisée en mars 2022. Un événement imprévu est venu bouleverser la manifestation plutôt festive et bon enfant. Cette photo, c’est un peu l’instantané avant le drame.
Il fait très froid ce jour là, on le sent sur la photo, le soir commence à tomber et les visage sont éclairés par la lumière jaune de l’éclairage public. Ils étaient quand même près de 300 personnes ce jour-là mobilisées pour cette Grande Maraude Solidaire. 300 personnes qui se dirigent vers les locaux de la police aux frontières pour dénoncer les exactions commises envers les migrants.
Soudain, la musique et les prises de parole s’interrompent, car au pied des pistes, la police est en train de procéder à l’arrestation de huit personnes exilées, dont des enfants et une femme enceinte.
Les manifestants vont alors encercler la fourgonnette de la police et exfiltrer les personnes en les cachant au milieu d’eux. Cet élan de solidarité va permettre d’empêcher le refoulement arbitraire de ces personnes qui seront ensuite conduites par Médecins du Monde au Refuge Solidaire de Briançon.
Voilà pourquoi cette photo est porteuse d’une mémoire singulière, elle conserve le souvenir d’une expérience inédite et forte pour tous et toutes celles qui ont participé à cette manifestation.
Dimanche ce sera la journée mondiale du migrant et du réfugié, cette photo signée Juliette Pascal est vraiment une photo de circonstance. Rappelons que depuis 2014, ce sont près de 28 000 personnes qui sont décédées en tentant de rejoindre l’Europe ou en essayant de franchir ses frontières intérieures.
Chaque jeudi dans Je pense donc j'agis avec #JeudiPhoto, Stéphanie Gallet décrypte une photo choisie par le CCFD-Terre solidaire. #JeudiPhoto, c'est un autre regard sur le monde pour saisir les défis auxquels sont confrontés les populations à travers la planète.
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