Dans son nouveau livre, Jean-Louis Fournier cherche une âme soeur immortelle. Drôle et émouvant, le bal des prétendantes fait place à l'amour de sa vie.
Ne m’en voulez pas, je ne loupe aucun des livres de Jean-Louis Fournier, un clown du verbe, un troubadour de l’humour, un bonimenteur du bonheur facile. Jean-Louis Fournier fut le parolier complice de Pierre Desproges et les plus anciens se souviendront de La minute de monsieur cyclopède, racontée en début de soirée pendant deux ans alors qu’il n’y avait que trois chaînes de télévision, c’est dire le morceau d’anthologie. Et depuis, Jean-Louis Fournier a écrit, beaucoup, des livres teintés d’humour toujours, mais aussi d’une vraie tendresse au-delà des sarcasmes et des provocations. Son œuvre est notamment marquée par l’évocation de ses deux fils handicapés, dans Où on va papa ?, prix Femina 2008. L’âge venant, d’autres livres suivent, faits de confidences et de drôleries, racontant la solitude dans « Je ne suis pas seul à être seul », « Merci qui ? merci mon chien », ou encore « Je n’ai plus le temps d’attendre », l’an dernier. Dernier rebondissement de cette vie fantasque : « Veuf cherche femme immortelle » relate la vie de cet homme seul qui jongle avec les mots et les blagues pour rire de tout, et surtout de lui-même.
Qui peut bien répondre à une annonce pareille ?
« Veuf cherche femme immortelle » : la petite annonce est lancée comme une bouteille à la mer. Et que croyez-vous qu’il arrivât ? Des réponses si nombreuses en effet qu’il y eut de quoi faire un livre. Bon, ce n’est pas que l’auteur ait triché, mais parmi les candidates surgissent Mona Lisa ou Blanche Neige, la Belle de Cadix ou Marguerite Yourcenar. Femmes légendaires qui pourraient bien être immortelles en effet, visages féminins attendrissants ou venimeux parfois. Chacune envoie sa lettre, cherchant à répondre au mieux au demandeur, mais c’est d’abord Sylvie, la femme de l’auteur, décédée il y a dix ans, qui en prend connaissance, et ajoute ses commentaires parfois piquants… Jeanne d’Arc ? « Pourquoi pas. Pour être mariée avec toi, il faut être une sainte », réplique Sylvie. Ginette ? « C’est toi qui a inventé cette lettre pour me faire rire », commente la femme de l’auteur. « J’aimerais bien me reposer à côté de quelqu’un de calme, qui écoute de la musique de chambre », signe Ella… alors que Madame Fournier s’exclame : « Te rends-tu compte de la chance que tu as ? Une lettre d’Ella Fitzgerald ! » Je ne vais pas vous révéler le nom de toutes ces candidatures plus ou moins cocasses qui ont toutes une chose en commun : elle ne répondent pas vraiment à l’attente du veuf…
Le bal des prétendantes est pourtant bien animé…
Certes, mais ce défilé aussi séduisant qu’il peut être, nous révèle une seule chose : c’est de sa femme décédée que l’auteur reste éperdument amoureux. « Nous étions faits pour vivre ensemble. On aurait dû mourir ensemble », écrit Jean-Louis Fournier. « Elle était rentrée dans l’éternité, moi dans la solitude, constate-t-il. Tu es morte sans me demander la permission. Tu te doutais bien que j’allais refuser. » Entre les lettres des femmes immortelles, l’écrivain glisse des souvenirs de cette vie heureuse d’un couple qui a patiemment bâti un amour et retapé des maisons. D’une pirouette, il confesse aussi ses excès de jalousie, ses inquiétudes et maladresses, ces instants perdus qu’il voudrait revivre : « Tu avais beaucoup de qualités. Ca m’agaçait, moi qui avait beaucoup de défauts. » Finalement, la seule qui a su être immortelle, c’est Sylvie, la femme aimée, à qui ce livre cabotin rend un vibrant hommage. Ne cherchez plus, Jean-Louis : par la magie de votre plume, Sylvie est immortelle.
Veuf cherche femme immortelle, de Jean-Louis Fournier, est publié chez Jean-Claude Lattès.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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