Finistère
A 74 ans, dont 36 passés à la présidence de Ligue protectrice pour les oiseaux (LPO), Allain Bougrain-Dubourg a consacré une grande partie de sa vie à la protection des volatiles. Riche de ces années d’émerveillement et de combats, l’ancien journaliste a compilé toutes ses connaissances dans le Dictionnaire amoureux des oiseaux, sorti le 20 octobre aux éditions Plon. Thierry Lyonnet l’a interrogé.
Passionné par les animaux depuis sa plus tendre enfance, passée entre autres à La Rochelle, Allain Bougrain-Dubourg est tout de même arrivé par le plus grand des hasards à la tête de la LPO. Lorsqu’on lui propose de devenir président de l’association en 1986, celui qui est alors journaliste refuse d’abord par manque de temps et de connaissance sur ce peuple des airs composé de pas moins de 10.000 espèces ! Il finira par changer d’avis. S’ensuit alors ce qu’il qualifie comme un "engrenage incroyable", d’un combat à un autre. "Ce n’est pas tant de la passion, c’est que j’ai le sentiment qu’il serait lâche de ne pas être au rendez-vous du combat. On compte sur nous pour agir", lance-t-il.
Agir, le président-militant l’a fait à de nombreuses reprises, d’abord en combattant pendant près de 20 ans contre le braconnage des tourterelles de bois dans le Médoc (finalement réautorisé en 2020). En 1999, c’est le naufrage du pétrolier Erika qui ouvre un autre combat. "J’ai voulu qu’on plaide contre Total pour le vivant non-commercial, parce que figurez-vous qu’on n'indemnisait que le vivant commercial c’est-à-dire les crustacés, les poissons, les coquillages ou les huîtres, mais pas les oiseaux, les tortues ou les phoques", racontent-ils. De cette injustice, il décide sur conseil de son avocat de demander un "préjudice écologique". Après dix ans de lutte, jusqu’à la cour de cassation, ce préjudice est entré dans le Code civil.
De ces passes d’arme, il conserve un sentiment amer de trahison républicaine, confie-t-il dans son Dictionnaire amoureux. Lorsqu’il voit les représentants du ministère de l’Écologie être à côté des chasseurs et "se battre bec et ongles pour tuer davantage", "c’est surréaliste", lâche-t-il. Même sentiment de déception lorsqu’il rencontre Emmanuel Macron en 2021 : "J'étais très heureux de voir qu’il semblait accorder un intérêt à la biodiversité et je découvre huit jours après qu’il donne l’autorisation d’aller déglinguer des alouettes des champs", se souvient-il.
Face à l’urgence du réchauffement climatique et de la disparition des espèces (au moins 30% des populations d’oiseaux en France ont disparu en 30 ans), le président de la LPO estime que "nous avons le devoir de soulager la souffrance de la nature… et de faire reculer la souffrance animale en ne la surexploitant pas". Pour cela, il suggère notamment l’arrêt définitif des insecticides et pesticides, de l’artificialisation des sols, et de la chasse des oiseaux en voie de disparition. "Il y a 15 espèces qui figurent sur la liste rouge de l’Uicn (l’Union internationale pour la conservation de la nature en France, Ndlr) qui sont chassables en France, c’est scandaleux", argue-t-il.
C’est pour lutter contre tous ces non-sens et boosté par le "sentiment de servir une cause", qu’Allain Bougrain-Dubourg continue son combat. Et ce, malgré les insultes et les menaces de mort dont il est victime.
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