On estime que 60% de la vie sur terre a disparu en 40 ans, il y a donc urgence à agir. Et agir pour le climat et la biodiversité vont de pair et les deux sont urgents.
En juin 2021, le GIEC (Groupe intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du climat) et l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité) ont publié un rapport commun. Pour la première fois, 50 chercheurs du monde entier des deux organismes ont travaillé ensemble. Ce rapport indique que les deux crises, du climat et de la biodiversité, ont la même cause: l’activité humaine. Et que "aucune des deux ne pourra être résolue avec succès si les deux ne sont pas abordées ensemble".
On estime que 60% de la vie sur terre a disparu en 40 ans, il y a donc urgence à agir. Et agir pour le climat et la biodiversité vont de pair et les deux sont urgents. "Pour une grande partie du vivant aujourd'hui, on est sur une trajectoire qui conduit à l'extinction si on ne fait rien dans les 10, 20, 30 prochaines années" explique Philippe Grandcolas, écologue, fondateur de l'ISYEB (Institut de Systématique, évolution, biodiversité) et auteur du livre "Le sourire du pangolin ou comment mesurer la puissance de la biodiversité", aux Editions du CNRS. Et les interactions entre climat et biodiversité sont multiples.
L’érosion de la biodiversité a 5 causes majeures et le changement climatique est la quatrième, les 4 autres étant : la conversion des habitats (déforestation, suppression des zones humides…), la surexploitation, la pollution et les espèces exotiques envahissantes (liées à la mondialisation et au développement des transports intercontinentaux).
"Le changement climatique a des effets assez variés, assez difficiles à évaluer, mais qu'on voit sous nos yeux : quand on voit la fréquence croissante des événements climatiques extrêmes, qui va avec ce changement global lié aux gaz à effet de serre, les incendies majeurs qui détruisent des millions d'hectares, qui appauvrissent les écosystèmes, les rendent moins résilients, plus difficilement capables de se régénérer. Il y a aussi les difficultés liés aux sécheresses, aux épisodes de canicule qui vont influencer certaines espèces particulièrement fragiles. Il y a également des déconnexions : quand la température moyenne augmente sur l'année, avec des étés plus chauds et plus secs en Europe (...) certaines espèces ne seront plus capables de trouver leur nourriture. Donc on a des désordres multiples qui s'installent."
Voici comment Philippe Grandcolas décrypte l'impact de la biodiversité sur le climat : "Notre monde n’est pas que physique. Quand on parle du climat on a tendance à penser en température, en pluviosité, donc des éléments physiques de l’eau, de la chaleur, des rayonnements solaires. Mais même les sols sont pratiquement uniquement biologiques et la surface du monde a un couvert végétal, les océans sont peuplés de manière extraordinaire, par le plancton notamment. On a donc un environnement qui n’est pas que physique et dans lequel le climat et régulé aussi par la biodiversité. Piéger le carbone, ça se fait par la croissance des organismes : quand les arbres ou le plancton se développent, ils piègent du carbone et de l’azote. Et les vieux arbres piègent une quantité considérable de carbone outre le fait qu’ils sont une réserve de biodiversité considérable ".
Si la crise de la biodiversité et la crise climatique nécessitent une approche interconnectée, c'est parce qu'elles ont pour une part les mêmes causes. Philippe Grandcolas évoque un cercle vicieux où "les dommages causés à l’un augmentent les effets négatifs sur l’autre". Mais surtout, pour l’écologue, il y a là un message d’espoir car "on peut espérer, en agissant sur l’un, agir sur l’autre".
Une pétition mondiale pour le climat et la biodiversité a été lancée par des catholiques. Elle est portée par le mouvement Laudato Si'. Elle a pour titre: "Santé de la terre, santé de l'humanité". "L'origine de cette pétition, il y a 300 ONG, principalement de l'hémisphère sud, explique Laura Morosini, secrétaire générale du mouvement Église verte en France. Ces ONG catholiques nous implorent de les aider, de porter leur voix. Elles sont beaucoup plus mobilisées que nous, en faisant cette chose très simple qui est de faire signer une pétition à la sortie de la messe".
Pour Philippe Grandcolas, ce type de démarche citoyenne est très important : "On est devant des phénomènes globaux qui concernent l'ensemble des sociétés, donc il est absolument important que tous les secteurs des sociétés, qu'il s'agisse des citoyens, des ONG, des communautés diverses agissent pour la prise de conscience collective. Mais ça ne dédouane pas les gouvernements, les institutions internationales fassent leur part du travail (...) Ces mobilisations exercent une pression importante sur les pouvoirs publics pour qu'ils prennent les décisions adéquates en matière réglementaire. Et c'est aussi une manière de diffuser les connaissances, de faire comprendre à tout un chacun quelle est la nature exacte du problème auquel on est confronté".
Et puis, citant son collègue écologue Franck Courchamp, Philippe Grandcolas rappelle : "On a 2 cartes dans la manche en tant que citoyen : la carte d'électeur et la carte de crédit. En tant que consommateur, on a le pouvoir d'orienter la manière dont le monde va évoluer. Si en tant que consommateur on achète des produits en circuits courts issus de l'agriculture biologique, on a, à l'échelle de quelques millions de consommateurs, une action extrêmement puissante" par exemple sur les groupes industriels qui produisent des pesticides.
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