C'est un mot un peu bizarre, tombé en désuétude dans notre langage courant. Épistolaire, cela signifie qui est propre à la correspondance par lettres. Ce mot vient d’épître, qui est une lettre écrite par un auteur ancien ou un apôtre : les épîtres aux Corinthiens par exemple. Mais je ne suis pas là pour vous faire un cours d’étymologie. C’est aussi un genre littéraire avec de grands classiques comme les Lettres de Madame de Sévigné.
C’est un mode de communication qui a progressivement disparu de nos modes de vie. On écrit toujours mais par mail, par SMS, on simplifie, on raccourcit, on abrège, on remplace les mots par des émoticônes représentant notre humeur du moment. Nos boîtes aux lettres sont de plus en plus vides, seulement remplis de factures et de prospectus publicitaires.
Et pourtant, depuis plusieurs mois, la bonne vieille lettre manuscrite a repris du poil de la bête. Lors du premier confinement, les bénévoles des Petits Frères des Pauvres se sont mis à écrire aux personnes âgées qu’ils accompagnaient. De nombreuses initiatives ont fleuri partout en France pour inviter les gens à témoigner de leur soutien aux aînés fragilisés par la crise sanitaire. A Noël, nous avons reçu énormément de lettres, de cartes, de petits mots, de dessins d’enfants que nous sommes en train de distribuer. Et même si ces courriers ne peuvent pas remplacer la chaleur d’une rencontre, ils font un bien fou aux aînés isolés. Parce qu’ils sentent qu’ils comptent pour des personnes qui ont pris du temps pour leur écrire et s’intéresser à eux. Ecrire, c’est laisser une trace de l’affection, du soutien, de l’attention à l’autre. D’ailleurs, ces lettres sont précieusement conservées, parfois affichées sur un frigo ou un mur, relues régulièrement, montrées avec fierté et émotion aux visiteurs.
En 2016, nous avons publié "Lettres à", un recueil de lettres de personnes accompagnées à qui nous avions proposé d’écrire une lettre au destinataire de leur choix. Des témoignages de vie qui sont autant de preuves de la richesse, de la dignité, de l’humanité que ces aînés, peu écoutés, souvent oubliés, ont à nous offrir comme le montre ce court d’extrait de la lettre de Madame B où elle confiait avec une pointe d’humour très touchant: "Depuis deux ans, c’est la solitude qui voudrait être mon amie, mais ça ne marche pas du tout, je n’ai rien à partager avec elle" ou celui de la lettre de Georgette: "Rien ne remplace les mots qu’on écrit dans une lettre, c’est un peu de soi-même, on ouvre la fenêtre, nul besoin de talent, ni don de narrateur, le plaisir du partage, fait s’ouvrir notre cœur."
Le pouvoir de l’écriture est extraordinaire, il permet de penser soigneusement les mots, de les poser, de transmettre son vécu, ses émotions, ses espérances. En cette traditionnelle période de vœux, j’invite donc chacune et chacun à prendre le temps de renouer avec cette jolie manière d’être en relation et d’être proche. A vos stylos !
Chaque semaine, RCF donne la parole à l'association Petits Frères des Pauvres.
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