Alors que les femmes sont dans la rue en ce 8 mars pour défendre leurs droits, Anne Lorient et Elina Dumont, anciennes SDF, nous rappellent que d'autres comme elles, ont expérimenté l'épreuve de la rue au quotidien. Selon l'INSEE, 38% des sans-abris sont des femmes. Melchior Gormand et Stéphanie Gallet tendent leur micro à celles qui ont vécu la grande précarité en cette journée internationale des droits des femmes.
Hygiène, alimentation, logement, santé : tant de droits généralement bafoués pour les femmes qui vivent à la rue. Le 8 mars, journée des droits des femmes, est l'occasion de revenir sur la situation de ces femmes qui représentent 38% des sans-abris selon l'INSEE.
Anne Lorient a créé une association à son nom après avoir passé 17 ans dans la rue, Elina Dumont, a aussi été sans-abris. Elle est aujourd'hui comédienne et a créé un spectacle "Des quais à la scène" dans lequel elle raconte avec beaucoup de dérision son quotidien dehors. Elle joue la dernière de son spectacle ce soir au théâtre le Funambule à Paris. Toutes les deux témoignent au micro de Stéphanie Gallet et Melchior Gormand.
Elina Dumont a 53 ans. Pupille de l'état, elle a été confiée à l'aide sociale à l'enfance avant de finir dans la rue. Violence, crack, alcool : elle en a fait des "conneries" se souvient-elle. Depuis 2003, elle parcourt la France pour présenter son spectacle "Des quais à la scène" dans lequel elle témoigne de sa vie de sans-abris. Elle a également écrit un livre "Longtemps j'ai habité dehors" publié aux éditions Flammarion qui retrace son parcours. Ce soir Elina Dumont jouera pour la dernière fois son spectacle. Elle souhaite passer à autre chose. "Quand la presse en parle je reste toujours "l'ex sdf", "l'ex crackeuse" alors qu'aujourd'hui j'ai plus d'un demi siècle et je ne suis pas que ça quoi !".
De l'eau a coulé sous les ponts depuis qu'Elina est sortie de la rue. Ce qui a changé sa vie, c'est la thérapie. À 19 ans, alors qu'elle est sous tutelle d'un juge, celui-ci lui lance un ultimatum : la prison ou la thérapie. "Je le remercierais jamais assez ce monsieur, parce que sans la psychothérapie je n'aurais jamais eu la distance que j'ai sur mon histoire, je n'aurais jamais pu faire tout ce que j'ai fait et malheureusement, je le répéterais toujours aux sans-abris, mais on ne sort pas de la rue sans soins" admet la comédienne.
De son côté, Anne Lorient a vécu dans la rue avec un enfant de deux ans et demi. Enceinte de son deuxième, elle savait qu'il y avait de fortes chances que l'état place ses enfants à l'ASE. Grâce à une association, elle a pu avec sa famille être mise en sécurité dans un appartement HLM dans lequel elle vit toujours. "Petit à petit, on a pu se réinsérer dans le monde dit "normal", ça n'a pas été facile du tout mais ma motivation c'est que je ne voulais pas que mes enfants soient des enfants de rue. C'est ça les moteurs de ma vie, se sont mes enfants" raconte-t-elle.
Comme Elina, Anne insiste sur l'importance des soins, nécessaires à une bonne réintégration dans le monde "normal". "Les gens qui sortent de la rue et qui ne sont pas soignés et bien ils retombent parce qu'il y a toujours des failles, des crises de nerfs, des angoisses et si on est pas accompagnés, on retombe".
"Moi j'ai été violée plus de 100 fois dans ma vie de rue" nous apprend Anne Lorient. Une violence sexuelle qui fait partie du quotidien des femmes sans-abris qui doivent aller jusqu'à troquer leur corps contre une douche comme l'explique encore Anne. C'est une certitude pour Anne et Elina, le fait d'être des femmes les rend plus vulnérables. "Nous sommes beaucoup plus des victimes de la rue. C'est difficile de se battre tous les jours. Il y a des jours où on en peut plus" lance-t-elle.
Elina Dumont n'était pas consciente de ces abus qui ont fait partie de sa vie dès son plus jeune âge. "Depuis petite j'avais l'habitude d'être abusée donc rien ne changeait pour moi. Contre un toit j'aurais fait n'importe quoi" avoue-t-elle. Grâce à des rencontres, des associations et des soins, Elina Dumont et Anne Lorient ont pu s'extraire de l'horreur de la rue et petit à petit se reconstruire. "On va continuer à se battre et à faire notre petit trou dans la vie dite "normale" lance Anne, pleine d'espérance.
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