La pêche est l'un des piliers de la sécurité alimentaire mondiale, fournissant des ressources vitales à des millions de personnes à travers le monde. Cependant, l'équilibre fragile entre les méthodes traditionnelles de pêche artisanale et l'essor rapide de l'industrie de la pêche commerciale est de plus en plus menacé. Alors que la pêche industrielle promet efficacité et rendements élevés, elle engendre également une série de conséquences néfastes sur les écosystèmes marins, les communautés côtières et la durabilité des stocks de poissons. Une émission Je pense donc j'agis présentée par Melchior Gormand.
Chaque année en France, la population consomme en moyenne 33 kg de poissons par habitant. La France est le cinquième plus gros mangeur de poissons à l’échelle européenne.
La pêche est un art ancestral pratiqué depuis des générations. Aujourd’hui, il existe trois types de pêche pratiquées : la pêche artisanale avec des bateaux de 12 mètres de long, la pêche semi-industrielle avec des bateaux entre 12 et 24 mètres et la pêche industrielle avec des bateaux de plus de 24 mètres. "Plus vous prenez en taille, plus vous prenez en intensité de travail", s’exclame Ken Kawahara, secrétaire de l'association des ligneurs de la Pointe de Bretagne. Chaque pêche est différente par la technique, par le quota (le nombre de poissons autorisé à pêcher) et par l’espèce pêchée.
On sait quelles sont les flottes de pêche qu’on doit soutenir pour créer de l’emploi.
La pêche artisanale est dite "dormante" car elle prévoit de piéger une espèce ciblée par des techniques indirectes, avec des casiers, des filets ou des lignes. Les pêches semi-industrielle et industrielle sont dites "traînantes" car elles pratiquent une capture de l’espèce ciblée de façon active, avec des chaluts ou des dragues.
"Il faut protéger les artisans qui sont abandonnés des pouvoirs publics depuis longtemps. Les semi-industriels font des apports en volume avec des méthodes de pêche très impactantes. Et les industriels façonnent les réglementations avec des lobbies constitués, réussissant à capter les subventions publiques pour soutenir des méthodes de pêche hypers impactantes. Elles ont une très faible performance sociale et économique. Ce sont des flottes qui opèrent à perte et qui n'existeraient pas sans l’argent public", réagit Claire Nouvian, fondatrice et directrice de l'association BLOOM.
C’est un drame d’aller pêcher des espèces fourrages pour faire de la farine, pour faire du saumon de mauvaise qualité qui fait concurrence à la pêche française.
L’association BLOOM a réalisé une enquête qui se base sur le calcul de dix indicateurs clés mesurant l’empreinte écologique et la performance économique et sociale de chaque flottille de pêche opérant sur la façade atlantique.
Plusieurs observations sur les conséquences de la pêche industrielle ressortent de cette étude notamment la destruction des fonds marins, une surexploitation des espèces pêchées, des captures massives de juvéniles, une faible capacité à créer de l’emploi, une faible valeur ajoutée, un fort impact carbone et une importantes émissions de CO2.
Par exemple, pour un volume total de poissons pêchés par an, la pêche artisanale réunit 36.600 tonnes de poissons avec 1.270 navires. Concernant la pêche industrielle (avec chaluts et sennes de fond), elle représente un volume de 61.500 tonnes de poissons par an pour 65 navires.
Les chalutiers sont des bulldozers sous-marins.
Il s’agirait alors de rééquilibrer le tir entre le nombre d’emplois, la quantité de poissons, la consommation par la population et la manière de pêcher. "Ils pillent les eaux africaines et européennes et on a un écosystème marin qui est très dégradé”, déplore Ken Kawahara. Patrick, un auditeur de RCF, ajoute que "la pêche industrielle commet des massacres et qu'il n'y aucune solidarité entre les pêcheurs.”
La pêche industrielle doit-elle disparaître ? Comment remplacer les emplois perdus devant la conséquence de cette disparition ? Et comment éduquer le consommateur à choisir un poisson provenant d’une pêche plus durable ?
"C’est un fléau invisible parce qu’il se passe sous la surface de l’eau. Documenter la déforestation des fonds marins est très difficile. Pareil, on ne sait pas combien représente 400.000 poissons”, exprime Claire Nouvian. Les consciences ne sont pas éveillées à cause de l’inconnu que peuvent représenter les océans. Certaines parties des eaux n’ont jamais été visitées par l’Homme. Les océans subissent aujourd’hui des transformations qui sont profondes.
Claire Nouvian préconise une transition en douceur des pêcheurs. Les marins pêcheurs vieillissants peuvent laisser leurs chalutiers et leurs quotas pour favoriser les pêcheurs artisanaux.
Le consommateur a un rôle capital à jouer. "Allez chercher de la diversité chez votre poissonnier : oubliez le thon, le saumon, le cabillaud”, conseille Ken Kawahara. "Il faut aller chercher la vertu de la pêche française et favoriser les circuits de proximité” ajoute Claire Nouvian. "C’est au poissonnier d’accompagner cette transition avec ses consommateurs”.
L’étude Changer de cap avec l’association BLOOM.
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