Juriste en droit de l’environnement, spécialiste de l’eau, Florence Denier-Pasquier milite au sein de France Nature Environnement (FNE) depuis 25 ans. C’est dans l’émerveillement face à la nature et en particulier face à sa voisine la Loire, qu’elle puise la force pour son engagement, soutenue aussi par les liens de fraternité tissés au sein du monde associatif. Et avec l’appui de sa foi chrétienne et de la figure inspirante de saint François d’Assise. Emerveillement et joie n’empêchent pas la colère, qui l’habite aujourd’hui face à l’immobilisme. Alors elle résiste et propose une autre relation avec la nature, faite de familiarité et de proximité.
Après 25 ans de lutte pour défendre la nature, notamment au sein de France Nature Environnement (FNE), Florence Denier-Pasquier est toujours aussi passionnées et déterminée. Elle garde l’espérance, grâce à sa foi chrétienne et à la figure de Saint François d’Assise qui l’inspire. Grâce aussi aux relations de fraternité tissées dans l’engagement associatif. Mais elle est aujourd’hui en colère. Parce que "on sait que le mur se rapproche et on a l’impression que les résistances se dressent encore plus". Dans Commune conversion sur RCF, elle raconte ces années d’engagement et témoigne de ce qui l’anime.
C’est dans sa maison de saint Gemmes sur Loire, au sud d’Angers, à 300 mètres de la Loire que nous rencontrons Florence Denier-Pasquier. Elle et son mari Sylvain ont choisi de vivre là lorsqu’ils se sont installés en Anjou après leur mariage, notamment en raison de la proximité du fleuve : "un lieu de ressourcement, d’émerveillement, d’engagement" pour Florence qui ajoute : "le fait d’ouvrir chaque matin ses fenêtres sur le fleuve, c’est vraiment précieux". Elle confie aussi : "Il n’est pas rare, avant des réunions un peu compliquées, que j’aille prier au bord de la Loire, pour prendre des forces".
L’eau, c’est un fil rouge dans la vie de Florence Denier-Pasquier. Enfant, elle habite près d’une petite rivière, près de Nantes, et passe du temps auprès du cours d’eau. Etudiante, elle fait son mémoire de Bac + 5 sur une rivière du Maine et Loire. Devenue juriste environnement, elle se spécialise en droit de l’eau et des milieux aquatiques. Aujourd’hui, elle siège au Conseil National de l’Eau où elle représente France Nature Environnement. Et parmi les luttes qu’elle mène au sein de cette fédération d’associations, beaucoup concernent l’eau, "notamment les questions de partage de l’eau face au changement climatique".
A l’écouter parler, on se dit que c’est une véritable passion qu’elle a développée pour l'eau. Pourquoi ? "Parce que l’eau c’est plein de dimensions différentes, explique-t-elle, c’est très complexe, c’est plein de sciences différentes qu’il faut apprivoiser". Et peut-être parce notre relation à l’eau est comme une parabole de toute notre relation à la nature. Parce qu’elle "met en relation l’Homme et la nature". Elle évoque "le langage de l’eau" et explique qu’il s’agit de "comprendre la complexité de l’eau".
apprendre à regarder et à comprendre ce qui est sous l’eau parce que c'est révélateur de nos mésusages
Pour elle, "l’eau n’est pas qu’une ressource. Elle est indispensable aux milieux aquatiques et il faut savoir repartir de la vie des milieux aquatiques, de la vie du moindre de nos petits ruisseaux pour savoir mieux gérer l’eau. Avoir une vision de l’eau seulement en termes de tuyaux ou de plomberie, c’est se tromper profondément". Il faut aussi, affirme-t-elle "apprendre à regarder et à comprendre ce qu’on ne voit pas, ce qui est sous l’eau" Parce que ce qui s’y passe "est révélateur de nos mésusages".
Pas une ressource l’eau donc. Alors quoi ? Qu’est-ce que l’eau ? "Un bien commun" répond Florence Denier-Pasquier qui précise : "appréhender l’eau, y compris en droit, comme un bien commun, c’est repérer des héritages du passé ou des évolutions juridiques qui n’ont pas été assez vite par rapport aux enjeux. Et donc avoir cette culture générale de l’eau où tout est lié par l’eau est absolument nécessaire pour repenser un droit pour l’usage des communs". En la matière selon elle, "un bout de chemin a été parcouru" mais beaucoup reste à faire.
Alors elle lutte pour l’eau. Et cela passe par le droit. Presque à regrets, parce le recours au droit intervient "parce que politiquement ça n’avance pas". Elle qui a dédié des milliers d’heures avec d’autres à la participation à diverses instances de concertation, notamment le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), se désole que ce travail de recherche de consensus, appuyé sur des bases scientifiques, soit balayé par les décideurs politiques. Le recours à la justice devient alors la seule solution.
le grand combat qui reste à mener est celui des modes de vie
Et ça fonctionne : FNE gagne 80 à 90% des contentieux qu’elle mène. Des victoires donc, même si elle aurait préféré gagner autrement. Mais des victoires "souvent invisibles parce qu’on a préservé de la dégradation des lieux". Alors pour se donner du cœur à l’ouvrage pour poursuivre la lutte, "c’est à nous de savoir raconter nos victoires, de dire la mobilisation et la persévérance du collectif" énonce-t-elle. Mais elle voudrait que les choses se mettent à avancer autrement, et pour ça, une profonde rénovation de la démocratie lui paraît nécessaire : "c’est un enjeu démocratique d’apprivoiser ensemble les limites sans violence" explique-t-elle. Et pour elle, le grand combat qui reste à mener est celui "des modes de vie".
"Aujourd’hui j’ai beaucoup de colère" confie-t-elle. Et d’expliquer : "on sait que le mur se rapproche et on a l’impression que les résistances se dressent encore plus : des lobbies sociaux-économiques qui ne veulent pas des changements qui sont incontournables. C’est vraiment une décision de court-terme qui l’emporte alors que nous on pense que la société est prête si on l’accompagne, comme l’a montré la Convention citoyenne". Pour tenir et ne pas se laisser grignoter par la colère, elle a deux bottes secrètes : la foi et la fraternité, tissée au sein du mouvement associatif. Elle en témoigne dans cet entretien à écouter.
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