En France, sept millions de personnes ont recours à l'aide alimentaire
En partenariat avec LE SECOURS CATHOLIQUE-CARITAS FRANCE
En partenariat avec LE SECOURS CATHOLIQUE-CARITAS FRANCE
En 2020, près de 7 millions de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire. Le rapport annuel 2021 du Secours catholique montre l'impact de la pandémie sur les foyers précaires. Il montre aussi que si l'on sait gérer les situations d'urgence, les plus pauvres sont victimes d'un système. Pris dans le "piège" de l'alimentation à bas coût, qui "bénéficie" à "l’agriculture intensive" et aux "filières agro-industrielles"... On en parle avec Marie Drique, chargée de projet Accès digne à l’alimentation au Secours catholique-Caritas France.
Pour une partie de la population, c’est un luxe d'avoir le choix, de pouvoir acheter les aliments que l’on a envie de manger. Et ne pas pouvoir choisir, "c’est ça qui est source ensuite d’un sentiment de dépossession, d’empêchement", explique Marie Drique. Plus tard, quand il s’agit d’aller demander de l’aide, "ça provoque encore plus de honte", face à ce que l'on ressent comme une incapacité à se nourrir soi-même, et les siens. Ce sentiment de "dépossession", de perdre sa dignité, sur un besoin aussi essentiel que la nourriture, concerne près de 7 millions de personnes - des personnes qui, en 2020, ont eu recours à l’aide alimentaire.
"J’ai vécu pendant sept ans de l’allocation de solidarité spécifique. Les minima sociaux ça sert juste à ne pas se retrouver dehors. Une fois que vous avez payé vos factures et qu’il vous reste 10 euros par semaine, vous faites comment ? Moi je prenais un seul repas par jour si je voulais que mes deux filles mangent et je n’avais d’autre choix que récupérer des colis alimentaires souvent sans produits frais, ni poisson ni viande."
Elisabeth, 47 ans, salariée de l’entreprise à but d’emploi 58 dans la Nièvre, dans le cadre de l’expérimentation Territoire Zéro chômeur de longue durée.
En 2020, on a vu de nouvelles personnes solliciter l'aide alimentaire. Des personnes qui vivaient depuis plusieurs années déjà des situations de précarité installée, et se débrouillaient avec des budgets contraints depuis longtemps. "L'alimentation, c'est la variable d'ajustement", décrit Marie Drique. Après avoir payé un loyer ou des factures d'énergie, on en vient à sauter un repas. Ainsi, l'alimentation est un signal, qui met en lumière des situations précaires : une réalité qui n'est pas nouvelle mais que la crise du Covid a permis de mettre en lumière.
"Depuis que nos enfants ne sont plus à l’école, cela fait deux repas en plus par jour à la maison. Et si on veut leur préparer des plats équilibrés comme à la cantine, les produits frais coûtent cher. Jusqu’à présent, on s’était débrouillés avec l’indemnité chômage de Vincent et la recette de la vente de nos meubles lors du déménagement. Mais en avril c’est devenu trop compliqué. On a déjà connu tous les deux des périodes critiques où on sautait des repas. Mais cela ne nous était jamais arrivé depuis qu’on a nos enfants. Et là ça nous a fait peur. Il n’était pas question que eux ne mangent pas. Devoir demander de l’aide ce n’est pas facile. Ça me travaille, j’en dors mal la nuit."
Marie et Vincent, parents de deux enfants en Gironde, tous deux demandeurs d’emploi
Considérer la pauvreté et par le prisme de l'alimentation, c'est constater la puissance d'un système dont il semble difficile de sortir quand on est en situation précaire. Interrogé par le Secours catholique, l’universitaire belge Olivier De Schutter dénonce le "piège" de "l'alimentation low cost". "On a longtemps pensé que les produits low-cost étaient la solution pour les ménages précarisés. Cela explique le soutien dont bénéficient l’agriculture intensive et les filières agro-industrielles, qui peuvent réaliser des économies d’échelle et faire jouer une logistique efficace pour fournir une alimentation à bas coût. Mais les personnes en situation de pauvreté se rendent compte aujourd’hui que le low-cost est un piège dans lequel on les a enfermées."
Si on sait apporter des solutions d'urgence, sera-t-on capable de changer la société en profondeur ? "Permettre l’accès de tous à une bonne alimentation nécessite de repenser totalement notre système alimentaire", prévient Olivier De Schutter. Le Secours catholique encourage chacun à soutenir les filières locales et durables qui vont dans le sens de la transition agro écologique. Et de "faire en sorte que les personnes qui vivent cette précarité soient parties prenantes des décisions sur notre alimentation et sur la transition alimentaire". Le titre du rapport, "Faim de dignité" suggère aussi l'idée d'un élan, "ces personnes sont aussi forces de proposition", rappelle Marie Drique.
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