Au Châtelard, "je peux être catho et écolo !" Le centre spirituel jésuite situé à Francheville, près de Lyon, est à l'heure de l'écologie intégrale. Si des milliers de catholiques y viennent chaque année pour se préparer au mariage ou se former aux exercices spirituels de saint Ignace, c'est désormais un écocentre spirituel. Le Châtelard est même un lieu de référence pour les écologistes chrétiens et pour tous ceux qui veulent approfondir l'écospiritualité.
La plupart des catholiques de Lyon connaissent bien le Châtelard. Beaucoup y vont pour se préparer au mariage ou se former aux exercices spirituels de saint Ignace. Avec ses 40 hectares de verdure à trente minutes de la place Bellecour, ce lieu unique invite à la prière et à la réflexion. Depuis deux ans le centre s'est mis à l'heure de l'écologie intégrale. On parle désormais d'un écocentre spirituel. C'est aujourd'hui le lieu de référence en France pour les écologistes chrétiens.
Comme tous les matins au Châtelard, 11h30 c’est l’heure de la messe. Ce jour-là, la chapelle est pleine. Mais l'endroit est si apaisant que l'on a du mal à croire que le centre spirituel jésuite attire plusieurs milliers de personnes chaque année. Environ 4.500 par an sont accueillies pour des retraites ou des formations. Le Châtelard c’est un lieu assez unique à moins de trente minutes du centre de Lyon, au cœur d’un parc de 40 hectares. Cela fait une centaine d’années que les jésuites y sont installés.
"Ce qui me fascine dans le Châtelard depuis le temps où j’y suis engagée c’est cette capacité d’adaptation à tout ce qui se dit." Mère de famille et grand-mère, Chantal Fraisse est accompagnatrice spirituelle. Elle qui vit au Châtelard depuis plusieurs années est frappée par la façon dont les équipes "cherchent à rejoindre les personnes là où elles sont". Et à proposer des clés pour vivre dans le monde actuel, avec ses joies et ses défis - comme la crise écologique.
Depuis deux ans, le Châtelard a entamé une réflexion sur l’écospiritualité. C’est même devenu en peu de temps un lieu de référence pour venir se former en chrétien sur l’écologie. 60% des gens qui viennent ici se disent chrétiens catholiques et écologistes, observe le Père Xavier de Bénazé, le coordinateur de l’écocentre spirituel du Châtelard. "Des gens déjà engagés de manière professionnelle ou personnelle, qui se disent : Ah, enfin ici je peux être catho et écolo parce qu’avec les cathos je ne peux pas être écolo et avec les écolos je ne peux pas être catho !"
Le Châtelard propose aux jeunes de 23 à 35 ans une "école de vie Laudato Si’". Un parcours complet d’écologie intégrale en trois semaines. L’occasion pour les jeunes de lire la fameuse encyclique du pape – dont "52% des catholiques pratiquants disent qu’ils n’ont pas entendu parler", précise Xavier de Bénazé. L’occasion aussi de se former sur la crise environnementale et ses impacts.
Si aujourd’hui il y a de plus en plus de paroisses qui reçoivent le label Église verte ou qui ont leur référent Écologie intégrale, reste que "une partie de l’Église catholique pratiquante est en résistance, en méfiance vis-à-vis de ces enjeux", observe Xavier de Bénazé. Pour eux les partis écologistes ne sont pas alignés sur les positions bioéthiques de l’Église catholique. "Et donc on me l’a déjà dit comme ça : Père, on ne peut pas être catho et écolo, témoigne le jésuite. Je réponds que aucun parti politique ne coche toutes les cases de la doctrine sociale de l’Église…"
Venir au centre écospirituel du Châtelard ce n’est pas vivre une parenthèse enchantée en pleine nature. C’est être disposé à remettre en question son mode de vie, ce qui peut être un frein pour certains. "Quand on s’intéresse à ces questions on voit qu’on a un certain nombre de choses à modifier dans sa vie, dans son métier, et donc on n’a pas forcément envie d’y aller !"
On le sait, la publication en 2015 de l’encyclique du pape François Laudato Si’ a initié un vaste mouvement de prise de conscience chez les catholiques. "Là-dessus pour les jésuites il y a eu tout un processus de discernement au niveau mondial pour définir quatre priorités apostoliques", résume Xavier de Bénazé. 16.000 jésuites dans le monde ont défini les quatre grands axes de leur action : "Montrer la voie vers Dieu, avancer avec les plus pauvres, construire un avenir d’espérance avec les jeunes et prendre soin de la maison commune avec d’autres."
Ainsi l’écologie intégrale est-elle entrée dans la vie des jésuites. Et dans leur offre d’accompagnement spirituel. Le discernement - le mot clé au cœur de la pédagogie de saint Ignace - semble tout particulièrement adapté aux "chrétiens de l’anthropocène", comme les décrit Xavier de Bénazé. "Je vais caricaturer mais c’est du vécu : j’ai 45 ans je fais du marketing dans une grande entreprise à La Défense à côté de Paris et un jour mon fils me demande ce que je fais pour la maison commune. Mon métier depuis 20 ans c'est de faire vendre le plus possible de canettes… La question se pose : à quoi m’appelle le Seigneur ?"
Depuis près de 500 ans, les jésuites forment des chrétiens aux exercices spirituels de saint Ignace. Une méthode de discernement à laquelle on peut se former avec un accompagnateur. Nombreux sont les catholiques qui s’appuient sur les exercices avant de faire des choix dans leur vie affective ou professionnelle. Désormais, on peut au Châtelard intégrer les questions écologiques à sa vie spirituelle.
Le Châtelard se présente comme un lieu d’expérimentation. Dans son potager, le Père Nowowé Wanfeo, jésuite camerounais, fait pousser aussi bien des pommes de terre que des choux à côté des tournesols ou des soucis. Attirer les pollinisateurs, éloigner les nuisibles, c’est toute une stratégie. "Les limaces nettoient la nature, elles sont une source d’alimentation pour les crapauds ou les hérissons." Mais pour protéger ses tomates de l’appétit des limaces, il a découvert qu’il suffisait de placer non loin de là des épluchures d’orange pour détourner les petites bêtes détritivores. C’est cela que le prêtre apprécie au potager, observer et apprendre.
Au Châtelard on vient explorer aussi ce que peut être une écospiritualité. "Comment donner de la profondeur spirituelle au défi écologique, qui est large, global ?" À 26 ans, Louise Groccia est membre du conseil d’administration du Châtelard et engagée au sein du collectif Lutte et Contemplation à Lyon. Pour elle, "les désordres extérieurs ont pour origine des désordres intérieurs" et invitent "à chercher des réponses intérieures". Et parmi ces réponses, il y a le lien, la relation. "La crise écologique c’est une crise qui révèle souvent notre manque de relation, on est de moins en moins en lien."
En devenant un écocentre, le Châtelard a opéré plusieurs changements. "Il n’y avait pas besoin de tout changer", nous dit Xavier de Bénazé, mais de penser "une autre manière de vivre ensemble dans cette maison". Des changements, des expérimentations qui peuvent faire peur. Mais Chantal Fraisse les regarde "comme des changements porteurs de vie". D’ailleurs, pour l’accompagnatrice, l’écologie était déjà là, d’une certaine façon. Puisque "si je mets Dieu au centre de ma vie, au centre de la vie de l’autre, il est vivant dans la création, dans l’être humain qui est en face de moi. Quand on se relie à cet amour extraordinaire de Dieu, la création n’est pas absente, elle est là !"
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