C'est pour mettre à mal les préjugés sur la pauvreté qu'ATD-Quart Monde réédite son guide 'En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté' (éd. Quart Monde / L'Atelier, 2016). Des préjugés 'profondément ancrés dans la nature humaine, selon Jean-Christophe Sarrot, car personne ne souhaite être en situation de pauvreté.' D'où les fantasmes et les représentations erronés sur les pauvres. Qui empêchent de dialoguer et de trouver ensemble des solutions.
Si la pauvreté fait peur et si les pauvres dérangent, c'est qu'on oublie que le pauvre est celui qui nous renvoie une image de notre propre fragilité. Cette part commune d’humanité vulnérable que l'on se refuse si souvent à considérer en soi. C’est sûrement parce qu’elle nous effraye, que la pauvreté suscite des réactions de rejet. Mais surtout des idées toutes faites et souvent fausses.
En France, on est pauvre quand on a des revenus inférieurs à 1.000 euros par mois pour une personne seule. 'Entre 2000 et 2014, 700.000 personnes nouvelles sont entrées sous ce seuil', explique Jean-Christophe Sarrot. Dans un pays où le chômage de longue touche de plus en plus de personnes, 'les personnes en situation de pauvreté y restent de plus en plus longtemps et ont des revenus de plus en plus bas'.
Deux millions de travailleurs pauvres: des personnes qui ont un emploi, mais dont les revenus ne sont pas suffisants. 'On oppose souvent les travailleurs pauvres et ceux qui bénéficient du RSA', nous dit Jean-Christophe Sarrot, or ces personnes bénéficient des mêmes aides que ceux qui n'ont pas d'emploi.
ATD-Quart Monde, fondée par le P. Joseph Wresinski, fête ses 60 ans en 2017. 'On est né dans la boue d'un bidonville installé à Noisy-le-Grand suite à l'appel de l'abbé Pierre à l'hiver 54.' Un mouvement sans appartenance ni politique ni confessionnelle, ATD-Quart Monde, ouvert à tous ceux qui croient que la société peut changer. Ses fondateurs partageaient le poids du regard de la société qui empêche de se mettre ensemble pour trouver des solutions.
Ma mère me disait souvent: «N’oublie jamais que ceux qui sont repus ne croient pas ceux qui ont faim.» Nous sommes des millions à être repus dans le monde et nous tournons le dos à ceux qui connaissent la précarité et la pauvreté. Ce livre décrit en détail tous ces moments auxquels nous leur tournons le dos et les arguments erronés que nous utilisons.
Avant de réfléchir à la manière dont on peut aider à changer la situation d’une personne, il faut commencer par la respecter et par respecter ses besoins. C’est le premier pas, le plus important et celui que l’on fait rarement. C’est à ce respect qu’invite ce livre, de manière détaillée et surprenante par tout ce qu’on y apprend. Lorsque je l’ai lu, j’ai été surpris et bouleversé.
Notre incapacité personnelle à changer les choses et à résoudre les difficultés qu’affrontent les pauvres nous rend très négatifs, sinon méchants. Se retourner contre eux devient alors comme une consolation. « Ce n’est pas de notre faute, c’est de leur faute à eux », pensons-nous. Il faut au contraire sortir de cette logique qui est très humaine mais erronée. C’est pour cela que je parle avant tout de respect inconditionnel. De ce respect peuvent découler beaucoup de choses.
Dans mon enfance, j’ai vécu des choses très dures. Mon père était engagé pendant la guerre avec le Front de libération nationale fondé par le parti communiste. Quand la monarchie est revenue en Grèce après-guerre, les gens qui faisaient partie de la petite classe moyenne comme nous ont perdu leur travail. J’étais alors adolescent, je prenais conscience de la vie et des choses. J’ai ressenti tout le mépris et le rejet que ma famille suscitait, comme si les gens nous disaient : « Laissez-nous en paix, dans notre tranquillité de repus », même des gens à qui nous ne demandions rien.
La pire chose que les pauvres doivent ressentir, en dehors des manques matériels, c’est certainement l’humiliation. Le mépris que l’on vous porte pour une situation que vous n’avez pas choisie est une chose insupportable.
Extrait de la préface du livre 'En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté' (éd. Quart Monde / L'Atelier, 2016)
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