Récemment, le Bhoutan a fait parler de lui pour son indice de BNB - bonheur national brut. Depuis 1998, le contenu de cet indicateur propre au Bhoutan est clairement défini et s’appuie sur quatre piliers qui mesurent le bien-être des habitants. À l'image du Bhoutan, certains Occidentaux questionnent le PIB. Ils dénoncent le manque de considération sociale et environnementale de cet outil, et proposent des alternatives pour mesurer le bon fonctionnement d'une société.
L’urgence écologique invite à questionner différents outils qui structurent le monde d’aujourd’hui. Parmi ces outils, le PIB (produit intérieur brut), qui évalue l’économie d’un pays ou d’une entreprise. Si cet indicateur est toujours en vogue, il est aujourd’hui vivement critiqué, jugé inadapté en temps de crise écologique. Forger des indicateurs adaptés aux différents contextes, en prenant en compte les enjeux contemporains est un véritable défi.
Un indicateur est "une information que l’on choisit pour nous éclairer sur une situation que l’on cherche à comprendre", explique Célina Whitaker, cofondatrice du Collectif Richesses et coprésidente du réseau Fair (Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesse). Pour Eléonore Lavoine, doctorante en gestion et chargée de recherche "utilité territoriale" à la Fédération Léo Lagrange, les indicateurs questionnent ce qu’est la richesse et permettent de prendre du recul.
C'est à partir de la crise de 1929 que le raisonnement politique et économique se fonde sur le PIB. Il "permet de prévenir de nouvelles crises, c’est un signal d’alerte pour estimer la capacité économique d’un pays", explique Célina Whitaker. Il s’affirme vite comme un outil absolu. Dès les années 1970, pourtant, le PIB est critiqué pour ne pas prendre en compte les enjeux sociaux. "On ne peut plus ne considérer que les richesses matérielles", ajoute la coprésidente du réseau Fair.
"Beaucoup d’indicateurs sont déjà proposés à différentes échelles", note Charles Duplatre, représentant de la revue Projet et membre du pôle Formation et doctrine sociale du CERAS. Pour lui, les indicateurs ont le pouvoir de "remettre en question le PIB et de mettre au jour ses limites". Ils permettent en "d’autres visions de la réalité". En questionnant notre rapport à la richesse, ces nouveaux indicateurs nous invitent à élargir nos modes de pensées à une échelle plus globale.
"Créer un indicateur revient à définir ce qui compte", résume Eléonore Lavoine. C’est, en fait, repenser un système et regarder la société avec un autre spectre. Pour Célina Whitaker, "les nouveaux indicateurs sont une chance à saisir pour ce changement de représentation". Ils poussent à prendre en considération la nature et le droit d’existence de tous les êtres vivants. "Changer les imaginaires permettra de faire advenir une transition écologique", estime Charles Duplatre. Se donner un indicateur permet de se fixer des objectifs, d’atteindre des défis plus facilement et plus concrètement. Les intervenants sont unanimes : les indicateurs poussent à se demander ce qu’est le bien vivre.
Pour qu’un indicateur ait de l’impact, il faut qu’il soit suivi par une politique publique efficace. Pour Eléonore Lavoine, ces nouveaux indices permettent de comprendre des phénomènes complexes et de se coordonner. Elle y voir de possibles "leviers pour la transition écologique". À Grenoble, il existe depuis les années 2010 les indicateurs de bien-être soutenable territorialisé (Ibest). Ils sont selon la doctorante les clés "pour réfléchir différemment pour savoir ce qu’est le bon vivre". Les Ibest se basent sur huit dimensions. Dans le monde du travail, par exemple, ils prendront davantage en compte la qualité du labeur et le bien être du salarié que la valeur qu'il produit.
L'indicateur du donut permet par exemple de repenser la société et notre rapport au monde. L’objectif de croissance est remplacé par un autre objectif : stabiliser l’activité économique entre un plancher social et un plafond environnemental. De même, outre-Atlantique, l’indice panier au Québec mêle intérêt économique et échelle sociale de revenus. En se demandant quel serait le minimum économique pour une famille de quatre personnes, il met en avant la question de l’échelle sociale de revenus et mise sur l'égalité entre les citoyens. Tous ces indicateurs, qu'ils en soient à leurs prémices ou qu'ils soient déjà bien affirmés, poussent à questionner un système. Ils peuvent s'affirmer comme les clés pour repenser le monde de demain.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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