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Quand on parle handicap en famille, on pense souvent aux enfants, qu'il faut accompagner. Mais qu'en est-il quand on est parent handicapé ? Comment trouver sa place au même titre que les autres ? Quelles difficultés, mais aussi quelles joies peut-on rencontrer ? Décryptage de Drina Candilis, psychologue clinicienne à l'origine du premier service d'accompagnement pour parents handicapés et témoignages d'Hamou Bouakkaz, aveugle de naissance et père de trois enfants, et de Stéphanie Peyrard, mère de famille victime d'un AVC à 36 ans.
L’accompagnement des parents en situation de handicap, une mesure plutôt récente puisque le premier service en ce sens n’a ouvert qu’en 2000, à Paris, à l’initiative de la psychologue Drina Candilis et la puéricultrice Edith Thoueille. Il faut dire que le désir d’avoir des enfants a été longtemps contrarié. "Souvent les médecins déconseillaient de procréer." souligne la thérapeute. "Et dans les familles, des mères disaient à leurs filles de ne pas jouer à la poupée, car de toute façon, elles n’auront pas d’enfants." Un soutien absent également de la loi de 2005 sur le handicap.
La peur de transmettre son handicap peut également constituer un frein. Pas pour Hamou Bouakkaz, père de deux garçons et d'une fille issus de deux unions différentes. Né aveugle en Algérie, cet ancien élu local parisien a toujours voulu être père, soutenu par sa propre mère qui lui en voulait 12 !
Une fibre paternelle entretenue en étant moniteur en colonie de vacances. "Cela fonctionnait bien avec les enfants. Et je me suis aussi fait la main sur un neveu !" se souvient-il. Quant à la crainte de communiquer sa cécité, elle a été écartée grâce à une consultation en génétique.
Reste que le handicap peut aussi arriver quand on est déjà parent. Le cas de Stéphanie, 45 ans, maman de deux filles de 14 et 17 ans. Un soir de 2015, cette éducatrice spécialisée est brutalement frappée par un AVC. Suite à son hospitalisation, on lui découvre une maladie neurologique rare qui l’oblige à se déplacer en fauteuil, avec des absences liées avec ses séances de rééducation en dehors du domicile.
Mas le lien avec ses filles a été maintenu grâce à des visios. Et surtout la franchise. "Les enfants ont une capacité extraordinaire d’adaptation." confie-t-elle. "Et à partir du moment où on leur explique tout ce qui se passe avec des mots simples en fonction de leur âge, ils sont parfaitement capables de nous accompagner et c’est en fait notre moteur. "
Mais comment s’occuper d’enfants quand on n’a pas l’usage de toutes ses facultés physiques, comme la vue ? "Il faut être à hauteur d’enfant." explique Hamou Bouakkaz. "Etre humble, faire les choses patiemment, parler à son enfant. Accepter qu’il vous fasse des farces quand vous lui donnez la cuillère et qu’il tourne la tête, ça tombe par terre ! "
Et pour la sécurité ? "Il faut être prudent dans ses gestes, le baigner dans une bassine sur laquelle vous pouvez avoir un contrôle. Accepter aussi qu’une tâche qui prend d’habitude 10 minutes en prennent 20. Et puis faire confiance." Et Hamou de raconter qu’au square, il était assis sur un banc et qu’en cas de problème, il restait présent. "Et il ne s’est jamais rien passé de grave ! " précise-t-il en souriant.
Pour Stéphanie, c’est toute une organisation qu’il a fallu revoir avec sa maladie. Grâce d’abord à ses propres parents, pour aider à la maison et les trajets à l’école. Mais pas question non plus de se mettre en arrière-plan. "Les enfants ont toujours voulu que je participe à leurs devoirs, malgré mes difficultés d’élocution. Ce qui a d’ailleurs contribué à ma rééducation." souligne-t-elle avec conviction.
Mais attention aussi à trop de bienveillance ! "ls veulent tellement bien faire que parfois, ils devancent mes besoins. Il faut alors reposer les choses et dire : j’aurai toujours besoin de toi. Mais par contre, laisse-moi d’abord essayer. Et si je rencontre une difficulté, je te demanderai." Ce que confirme Hamou Bouakkaz : "Il ne faut pas que vos enfants se transforment en auxiliaires de vie. Ils ont aussi leur vie d’enfants."
Mais en grandissant, n’y a-t-il pas un risque que les enfants aient un sentiment de colère, voire de honte d’avoir des parents différents de ceux de leurs camarades ? "Ils me l’ont dit explicitement et je trouve cela sain." déclare Hamou, ouvert au dialogue. "Tant que c’est exprimé, qu’on en discute et dans des limites acceptables, ça ne me choque pas."
Une honte "qui vient surtout du regard que les autres portent sur leurs parents." estime la psychologue Drina Candilis. Et Stéphanie de compléter : "Il n’y a jamais eu de ressenti de la sorte, Je pense que c’est nous, parents handicapés, qui nous mettons des barrières et nous posons beaucoup plus de questions alors que les enfants se disent: oui. Tu es en fauteuil. Et alors ? "
Où se faire aider si on en ressent le besoin ? Depuis le lancement du premier Sapph à Paris, trois autres ont vu le jour en Nouvelle Aquitaine, Alsace et Centre Val de Loire. Le dispositif des Mille premiers jours peut être aussi une ressource pour accompagner les futurs jeunes parents. Stéphanie, elle, a mis en place le collectif "Etre Parhands" à la délégation APF de la Loire.
Un groupe qui réunit aujourd’hui 12 parents. L’occasion de partager expériences, informations et droits. "Je crois que chaque parent qui subit un handicap a toujours sa place auprès de ses enfants." conclut la jeune maman. "Et que ceux-ci nous considèrent parfois comme des héros, parce que, face à l’adversité, on ne baisse pas les bras, on reste debout. Et coûte que coûte, il faut avancer ! "
"Mon parcours handicap" : site d’information officiel pour les personnes en situation de handicap et leurs aidants.
"Etre parhands" : le premier guide sur la parentalité des personnes en situation de handicap moteur et sensoriel en Auvergne Rhône-Alpes : désir d’enfant, grossesse, mode de garde, scolarité, une mine d’infos à télécharger gratuitement. Un livret édité par l’APF Rhône-Ain et le soutien du CCAH et la fondation de France.
Et les chroniques "Hamou Braille dans le poste", à retrouver tous les lundis à 17 h 50 sur RCF et Radio Notre-Dame, avec l ’agence Lemon Adds et en partenariat avec l’Unadev.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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