370 000 enfants en souffrance dans leur famille sont concernés en France par la "protection de l'enfance". Le système judiciaire propose de protéger les enfants en les plaçant dans des foyers, des familles d'accueil ou des internats. Mais le manque de moyens crée de nouvelles difficultés. Quelles sont les problématiques auxquelles sont confrontés ces jeunes ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.
Violences, instabilités familiales, alcoolisme, abus : pour protéger les enfants qui souffrent au sein de leur famille, la justice peut décider leur placement. Parfois, ils trouvent dans ces internats ou ces familles, une véritable seconde chance. Mais parfois aussi c’est la double peine. L’institution qui devait les protéger, les éloigner des violences va finalement les y replonger. Comment est-on arrivé à ces drames, qui vont provoquer maltraitance et mener parfois au suicide ? Les défaillances sont-elles des cas isolés, ou le résultat d'un système qu’il faut revoir ?
Quelles sont les réalités des foyers ? Que peuvent dire les anciens enfants placés ? Pour identifier les manquements de la République, une commission d’enquête parlementaire a commencé son travail. Elle auditionne et collecte des informations pour repérer les dysfonctionnements qui traversent le secteur de l’Aide sociale à l’enfance.
Un foyer est une branche du système de protection de l'enfance et a pour objectif la sécurisation des enfants. Créés durant le 20e siècle, ces foyers ont été peu à peu structurés par des lois. Celle du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance est venue renforcer la prise en compte de l'enfant placé et de ses besoins, en insistant sur la sécurisation de l'enfant et l’assurance d’une stabilité de vie.
Plus récemment, en avril 2024, une commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’Aide sociale à l’enfance a été lancée. "C’est une bonne chose, car nous voulons être plus que des témoins”, explique Marie-Angèle Gandarez, ancienne enfant placée et membre du comité de vigilance qui compte actuellement près de 300 enfants placés. "Le Comité existe parce qu’il y a un ras-le-bol, la violence, c’est terminé pour moi mais pas pour plein de jeunes et ce n’est pas normal”, raconte Lucas Cortella, travailleur social et membre du Comité de Vigilance en tant qu’ancien enfant placé dès l’âge de 15 ans.
À quelles difficultés les systèmes d'aide et de protection à l'enfance sont-ils confrontés ? Tout d'abord se pose la question des moyens. “Seule la moitié des enfants qui devraient être placés le sont vraiment. Cela est dû à des défaillances institutionnelles qui engendrent des manques de moyens et d’effectifs. C’est d'autant plus dur quand on a des enfants compliqués”, explique Pierre-Alain Sarthou, directeur général de la CNAPE, Convention nationale des associations de protection de l’enfant.
Autre point important, la réglementation en matière de protection de l’enfance n’aide pas les professionnels de l'enfance à effectuer leur travail dans de bonnes conditions : “il existe pour les colonies de vacances ou les centres aérés des normes qui réglementent le ratio entre le nombre d’enfants et d’adultes, ou la professionnalisation des intervenants. Ces normes n’existent pas pour les foyers, c’est incompréhensible", déplore Anne-Flore Magnan, éducatrice spécialisée et religieuse chez les salésiennes de Don Bosco, actuellement dans un internat pour l’éducation des jeunes les plus en difficulté à Bruxelles.
Ces normes imposées pour les colonies de vacances n’existent pas pour les foyers, c’est incompréhensible.
La mise en place de systèmes qui favorisent l’emploi dans le milieu de la protection de l’enfance, ou de normes qui réglementent ces institutions demanderait un effort budgétaire conséquent : “on a estimé le coût de ces changements à environ 1,5 milliard d’euros par an. C’est une somme énorme mais c’est ce qu’il faut pour que ça fonctionne”, explique Pierre-Alain Sarthou.
Lucas Cortella a 23 ans. Il a été placé en foyer et en famille d'accueil dès l'adolescence. Il témoigne de son expérience : "Dès ma naissance, ma famille était instable et suivie par les services sociaux. À 15 ans, j’ai commis plusieurs infractions puis j’ai été pris en charge. J’ai connu plusieurs foyers et plusieurs familles d'accueil". Lucas ne garde pas un souvenir joyeux de cette période. Le fait d'avoir été changé de foyers et de familles d'accueil plusieurs fois l'a particulière marqué : "j’ai tendance à dire que j’ai été un enfant déplacé plutôt que placé”.
J’ai tendance à dire que j’ai été un enfant déplacé plutôt que placé.
Marie-Angèle Gandarez a 42 ans. Elle témoigne de son passé marqué par des violences familiales : “À 16 ans, j’ai demandé mon placement parce que je subissais de la maltraitance, en particulier par mon père". Elle a donc été placée en foyer où elle a tenté de rompre ses liens avec sa famille : "On m’a admise pour six mois au lieu de trois et j’ai demandé qu’on supprime l’autorité parentale mais on me l’a refusée. J’ai d’ailleurs dû garder un lien avec ma famille, notamment en retournant chez moi". Ce refus lui a laissé des séquelles : "Quand ça arrivait, je leur disais que j'avais peur que mon père me tue, ils me disait qu'ils allaient appeler l'éducateur qui me faisait le plus peur. Ça a contribué à me donner la peur des hommes".
Avec cette commission d'enquête, les anciens enfants placés mettent leurs espoirs dans la mise en lumière d'une violence souvent cachée. Ils espèrent que la visibilité sur les défaillances du système permettra de les réduire.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
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