JavaScript is required
Accueil
Altercation Trump-Zelensky : l'humiliation est-elle une arme de négociation ?

Altercation Trump-Zelensky : l'humiliation est-elle une arme de négociation ?

Un article rédigé par Baptiste Picot, Madeleine Vatel - RCF, le 13 mars 2025 - Modifié le 13 mars 2025
Je pense donc j'agisAltercation Trump-Zelensky : l'humiliation est-elle une arme de négociation ?

Ce sont des images qui ont fait le tour du monde. Le 28 février 2025, dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été humilié par le président américain Donald Trump et ses conseillers. Une scène filmée et diffusée sur les chaînes du monde entier, qui surprend, inquiète, et pose la question de la place de l’humiliation dans la diplomatie. Une émission Je pense donc j'agis présentée par Melchior Gormand et Madeleine Vatel.

© The White House / DR© The White House / DR

Ce qu'il faut retenir :

  • La séquence télévisée montrant Trump humiliant Zelensky est à considérer comme un moment particulier de communication politique.
  • L'humiliation impose au sujet parlant de se taire. Le président ukrainien n'a pas laissé Donald Trump dans cette posture, et a repris le pouvoir et la parole.
  • Dans le monde entier et dans l'Histoire, les scènes d'humiliation sont nombreuses, elles sont une arme de négociation et de pouvoir. Les Occidentaux ont aussi à interroger leur pratique de la diplomatie.

La diplomatie permet-elle encore "aux différents acteurs de rompre les forces et de s’entendre pour marcher ensemble vers la paix” ? C'est la question que pose le philosophe Olivier Abel, invité dans l'émission Je pense donc j'agis. Que s'est-il vraiment passé ce 28 février ? Quelle place occupe l’humiliation dans les relations internationales ? La diplomatie est-elle en plein changement ? 

28 février 2025, une date à marquer d'une pierre blanche ?

Le 28 février, alors qu’en face de toutes les caméras du monde, le président ukrainien Volodymyr Zelensky rencontrait le président des États-Unis Donald Trump, dans l’espoir d’augmenter le soutien américain à la cause ukrainienne, voire de trouver un terrain d’entente pour la paix, l'échange s'est progressivement tendu. Moqué, rabaissé et jugé, Volodymyr Zelensky a subi une “humiliation”.

Donald Trump surfe sur l'humiliation. 

Rompu à l'exercice des négociations, Michel Foucher, diplomate et ancien ambassadeur de France en Lettonie, rappelle l'importance de prendre en compte le fait que "Zelensky et Trump sont tous les deux des hommes de télévision", cherchant la meilleure séquence et utilisant la diplomatie comme arme de communication. Selon l’ancien diplomate, Donald Trump n’est pas un véritable négociateur : "dans une négociation, il ne tient pas quatre minutes, il se contente de quelques fiches bristol, il ment en permanence. Sur les montants des aides à l'Ukraine par exemple".

En revanche, cette humiliation pourrait avoir un impact non négligeable sur les négociations de paix. Selon Olivier Abel, philosophe, professeur émérite de philosophie et d'éthique à la faculté de théologie protestante, auteur du livre L’Humiliation, le poison de notre siècle publié aux éditions Les liens qui libèrent, "la négociation n’est pas possible avec celui qui a été humilié, elle renforce les rancœurs, les envies de revanche, aujourd’hui il y a trop de chefs d’état qui utilisent l’humiliation comme carburant, Trump le premier ; il surfe sur l’humiliation"

La négociation n’est pas possible avec celui qui a été humilié. 

Dans cette rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump, l'issue a été toute autre en raison de l'attitude du président ukrainien. Olivier Abel souligne comment "l’impact d'une humiliation dépend de la réaction que l’humilié va avoir. L’humiliation est censée faire taire, écraser, mais là, il s'est passé autre chose".

Michel Foucher, également géographe et essayiste, reconnait qu'il y a "ce qui se passe avant et ce qui se passe après. Je pense que cette séquence a été très bénéfique pour l'Ukraine". Passée cette rencontre télévisée, et la crainte de voir les dynamiques internationales remises en cause, Donald Trump, qui avait dans un premier temps suspendu l'aide financière et militaire américaine à l'Ukraine, est revenu sur sa décision et a proposé un cessez-le-feu à la Russie. 

Les humiliations internationales

Loin d’être un cas isolé, cette altercation télévisée met en lumière les multiples humiliations que subissent présidents, pays et peuples dans les rapports internationaux. Si dans certains cas les diplomates se gardent d'utiliser cette technique diplomatique : "On m’a toujours dit de ne pas humilier la Russie", raconte Michel Foucher. Réagissant à la remarque d'un auditeur venu souligner les rapports inégaux de l'Afrique avec l'Occident, et regrettant que "ces humiliations apportent violence et misère", l'ancien diplomate français confirme : "Le Sénégal peut se sentir humilié lorsque la France ne la considère pas comme un égal, par exemple en recevant le président sénégalais avec un secrétaire et non avec Emmanuel Macron".

 La majorité des conflits est liée au statut accordé à un pays, et à la différence entre la reconnaissance souhaitée et réelle. 

D’après Giulio de Ligio, philosophe politique, maître de conférences à l'université catholique de l'Ouest à Angers et auteur de nombreux ouvrages sur la démocratie et le totalitarisme, l’Europe aussi se laisse parfois aller en rabaissant l’importance de certains de ses États membres, et donc d’une partie de ses citoyens : "Il faut prendre en compte la perception des peuples, et j’ai envie de parler d’humiliation des nations, lorsque par exemple, l’UE ne considère pas les pays d’Europe de l’Est de façon égalitaire"

Donald Trump n'en est pas à sa première offense publique alors même qu'il n'a pris ses fonctions que depuis un mois et demi à la Maison Blanche. "Il n’y a pas que Zelensky que Trump a humilié. Le Canada avec son ancien Premier ministre Justin Trudeau l’a aussi été, il a d’ailleurs démissionné. Le Danemark également à propos du Groenland", résume Michel Foucher. Le géographe et essayiste en profite pour rappeler que "la majorité des conflits est liée au statut accordé à un État, et à la différence entre la reconnaissance souhaitée et réelle. C’est le problème de la Russie avec la Chine qui lui prend sa place historique, ou avec le traité de Versailles, vécu comme une humiliation par l’Allemagne".

Est-ce que la diplomatie est en train de changer ? 

Science des relations entre États, la diplomatie est secouée par les bouleversements géopolitiques récents. Olivier Abel pointe le cœur du problème : "un des principaux soucis, ce sont ceux qui pensent qu’ils seront toujours les plus forts. Avant, on conduisait la guerre pour aller vers la paix, aujourd’hui, la Russie et les États-Unis ne sont plus dans cette optique, il n’y a plus d’ennemi, mais des insectes à écraser".

Selon Giulio de Ligio, "nous sommes en train de vivre l’affaiblissement de l’ordre qui avait dépassé la fin de la Guerre froide, et on voit que la loi du plus fort n'est pas la seule loi, surtout dans un ordre qui n’est plus capable de réconcilier les nations". Dans ce sens, le philosophe politique considère que l'ordre international doit se stabiliser pour repartir sur des bases plus saines : "on peut faire des efforts, même au cœur de la guerre, il faut penser à la paix. Europe, États-Unis, Chine et Russie doivent clarifier leur position dans l’ordre international". 

Il n’y a plus d’ennemi, mais des insectes à écraser. 

D'après Giulio de Ligio, la diplomatie et l’assainissement des relations internationales passent aussi par une réconciliation des peuples : "il faut tenir compte des passions qui relient les peuples, l'histoire et les valeurs communes. Si l’Ukraine ne permet pas d’atteindre la paix, il faudra trouver comment nous-mêmes nous pouvons l'y aider".

© RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Je pense donc j'agis
© RCF
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

Pour aller plus loin

Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.