Pays de Savoie
Entre la concurrence des centres commerciaux en périphérie, l'essor du commerce en ligne et les changements dans les habitudes de consommation, de nombreuses artères urbaines historiques se retrouvent en difficulté. Pourtant, les centres-villes demeurent des symboles vitaux de l'identité urbaine, de l'histoire locale et de la vie communautaire. Une émission Je pense donc j'agis présentée par Melchior Gormand.
"Un centre-ville sans commerce, c’est la mort du centre-ville". Véritable tsunami dans le monde du commerce, les enseignes Camaïeu, Kookaï, Burton of London ou encore San Marina ont baissé leur rideau dans de nombreuses villes en France. Symptôme d'une dévitalisation des centres-villes, cette situation inquiète les habitants tout comme les commerçants qui tentent de résister.
Face à ces défis, comment redynamiser ces cœurs urbains et les faire prospérer à nouveau ? Cette quête qui englobe des aspects sociaux, culturels, environnementaux et esthétiques, nécessite une approche innovante. Depuis sa création, le programme Action Cœur de Ville a permis de faire un état des lieux de certains centres-villes en France, mais surtout de trouver des leviers d'action afin de les redynamiser. Illustration à Pau, une ville moyenne qui souffre d'un manque de flux.
Quand on arrive en ville, les rues dorment tranquille. Métropoles, villes moyennes, bourgs, toutes ces zones urbaines sont logées à la même enseigne. "L'une des problématiques du commerce de proximité, c'est tout simplement l'insuffisance de clients de proximité", se désole David Lestoux, rédacteur d’un rapport National sur les centres-villes qui a donné lieu au programme Action Cœur de Ville. Un problème qui peut s'expliquer notamment par les logements vacants dans les villes moyennes pouvant représenter jusqu'à 20 % du parc. "On ne donne pas suffisamment envie de vivre en ville, il va falloir repenser l'attraction des centres-villes", complète le fondateur de l'Agence LA.
On se demande si c'est une bonne chose que cette périphérisation continue à s'accélérer.
La faute aux périphéries ? "On est certainement le pays d'Europe qui a le plus de politiques publiques en faveur des centres-villes. Mais en termes d'aménagement du territoire, nous faisons au quotidien à peu près le contraire de ce qu'il faudrait faire pour que les centres fonctionnent", déplore David Lestoux. "On sort d'une quarantaine d'années d'aménagement d'une France périphérique", explique-t-il. "Il va falloir qu'on se demande si c'est une bonne chose que cette périphérisation continue à s'accélérer".
Jusqu'à 17 euros pour stationner.
Dans le viseur également, le choix des municipalités. Illustration à Pau, une ville qui a développé la piétonnisation à partir de 2010. "Je suis une fan de la piétonnisation. Mais à Pau, on a oublié de faire des parkings relais. Plus de 10 ans après, on en est toujours au même point. Et nos clients, comment font-ils pour venir ?", témoigne Sylvie Gibergues, commerçante à Pau. Sans oublier le coût du stationnement, "jusqu'à 17 euros après quatre heures".
Les villes évoluent, mais les clients aussi. La crise sanitaire a profondément modifié les modes de consommation. Certains centres-villes remarquent un léger regain d'activité depuis le Covid. "Les gens se sont rendus compte que la proximité est importante", précise Sylvie Goubergues. Mais depuis, une perte de vitesse est visible.
On a cette crise du pouvoir d’achat des Français qui nous marque beaucoup.
La faute en partie au commerce en ligne. Un danger pour de nombreuses enseignes de proximité qui font le choix de ne pas s'investir sur l'internet. "Qu'est-ce qui est le plus pratique pour un consommateur aujourd'hui ? Se faire livrer à domicile sans bouger de son canapé". Pour David Lestoux et Sylvie Gibergues, il faudrait réussir à réinterroger la question de praticité et du stationnement par rapport à l'avènement du digital qui influe sur le choix des consommateurs.
Autre facteur : la conjoncture économique et sociale. "Surtout, on a cette crise du pouvoir d’achat des Français qui nous marque beaucoup, tout comme les actualités internationales qui freinent les clients", relate Sylvie Gibergues.
À tous, on peut tout. C'est en tout cas la conviction de Sylvie Gibergues et de ses collègues commerçants de Pau qui ont monté un collectif en 2017. "Nous sommes tombés d'accord pour alerter notre municipalité sur la baisse de flux que nous constations dans nos centres-villes", raconte-t-elle. Des actions qui semblent porter leurs fruits. "Il y a une volonté de tous les acteurs et une prise de conscience de redynamiser les centres-villes."
Il faut que les centres-villes soient habités.
Un programme en quatre étapes. Action Cœur de Ville, pensé par David Lestoux, est un programme qui permet de réfléchir à l'attractivité des centres-villes et d'agir. "Pau a bénéficié de ce programme. 200 millions d'euros ont été injectés pour repenser le centre-ville palois", souligne la commerçante. "Il faut que les centres-villes soient habités". Mais aussi repenser les services publics proposés, c'est-à-dire retrouver les guichets de certains organismes.
Autre idée, relocaliser l'emploi. "Alors qu'on a eu tendance à construire des pôles avec des bureaux à l'extérieur des villes, il faut vraiment qu'on remette de l'emploi dans les centres-villes", explique David Lestoux. Ce ne sont d'ailleurs pas les bureaux qui manquent, puisque les villes comptent de plus en plus de bureaux vacants.
L'objectif est de générer une relation affective entre un citoyen et sa cité.
Mais ce qui ressort avant tout, c'est le travail de l'espace public. "C'est tout ce qui va faire la vie d'une ville. L'objectif est de générer une relation affective entre un citoyen et sa cité", précise-t-il. Pour Sylvie Goubergues, "c'est à nous, commerçants, d'animer la ville et de donner envie aux clients de venir nous voir".
Vers de nouveaux types de commerces ? Quand les produits de seconde main représentaient 1 % des dépenses des ménages en France avant le Covid, on les estime aujourd'hui à 6 %. Et on peut facilement imaginer, selon David Lestoux, que "ces dépenses atteindront 15 % dans 5 ans". Les boutiques qui proposent des produits d'occasion rencontrent effectivement un grand succès. De quoi donner un nouveau souffle aux centres-villes.
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