Le champion du monde 1998 a délaissé le ballon rond pour la bonne cause. Lilian Thuram, icône du football français et de la France "black-blanc-beur", est désormais engagé dans la lutte contre le racisme. Il a reçu en 2010 le prix Seligmann contre le racisme, pour son livre "Mes étoiles noires" (éd. Points, 2011). Aujourd'hui il revient sur le devant de la scène avec la parution du volume 2 de la BD, "Notre histoire", qu'il a co-scénarisé. Il dresse le portrait d'hommes et de femmes qui l'ont inspiré.
Le racisme, "la personne qui en est victime ne peut pas trouver la solution". On pense souvent que le racisme ne concerne que les individus, pour Lilian Thuram il s'agit au contraire d'un "système". "L'infériorité des personnes de couleur noire est une invention, comme l'infériorité des femmes vis-à-vis des hommes est une invention." Il témoigne: "J'ai découvert que j'étais noir à l'âge de neuf ans." Né en Guadeloupe en 1972, il est arrivé en France en 1981. "Aux Antilles nous avions tous la même couleur de peau." À Bois-Colombe, en région parisienne, où il a grandi il ressentait "du mépris vis-à-vis de [sa] couleur".
"Très souvent ce qui nous empêche de penser l'égalité, ce sont les habitudes." Enfant, la mère de Lilian Thuram lui disait: "C'est comme ça, les gens sont racistes et ça ne va pas changer." Comme une fatalité. En lisant des livres, lui a "pu comprendre le pourquoi du racisme": par éducation, par habitude. "Nous vivons dans des sociétés où il y a des mécanismes de domination, par exemple entre les hommes et les femmes." Au sein de la Fondation Lilian-Thuram, l'ancien sportif agit pour que l'on sorte de la peur et des tabous. Sa fondation propose une exposition itinérante, "Être humain", à destination des 8-12 ans.
Pourquoi notre histoire officielle est-elle aussi blanche? On se souvient de la malheureuse phrase d'un président français, "Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire." (C'était en 2007 à Dakar.) Dans "Mes étoiles noires", Lilian Thuram rend hommage à ces personnes noires - Barack Obama, Esope, Dona Béatrice, Pouchkine, Anne Zingha, Aimé Césaire, Martin Luther King, etc. - qui lui ont permis "d'avoir confiance en [lui]". Un peu comme un pied-de-nez à ceux qui enseignaient à ses aïeux que leurs ancêtres étaient gaulois.
"Imaginez que vous êtes enfant dans une école et que l'on ne vous présente que des personnes noires, que l'on vous dise que Dieu est noir, que Marie est noire..." Tant que l'on n'a pas vécu cela, difficile de se représenter la "violence totale" que l'on peut éprouver alors. Il en va pourtant de l'estime de soi. Avoir des modèles qui vous ressemblent, nous dit Lilian Thuram, cela vous permet d'y croire.
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