Avec 522 000 clients le Crédit Agricole Loire Haute-Loire est un acteur essentiel de l'économie régionale. Témoin privilégié de la santé économique du territoire, la directrice générale Gaëlle Regnard évoque les résultats de la banque en 2023 et la stratégie du groupe dans une interview accordée à Stéphane Longin pour RCF.
Stéphane Longin : L’année 2023 a été marquée par un recul du résultat net social du Crédit Agricole Loire-Haute-Loire (Moins 7% par rapport à 2022). Comment expliquez-vous ce résultat ?
Gaëlle Regnard : Je tiens à préciser que je considère ces résultats comme solides ! Ils s’élèvent à 75 millions d'euros pour le Crédit Agricole Loire Haute-Loire. Mais une banque reflète aussi l'état de santé de l'économie et l'année 2023 a été assez atypique. Une année avec une inflation qui est restée élevée et qui a conduit à cette réaction de la Banque centrale européenne avec l'augmentation extrêmement rapide des taux directeurs. Cela s’est mécaniquement répercuté sur les taux que nous pouvons accorder à nos clients, qu’ils soient particuliers ou entreprises. Cela a eu pour conséquence de ralentir la demande de crédit avec, par exemple, 30 % de crédits habitat en moins que l’année précédente.
De l'autre côté, l’augmentation des taux directeurs a également eu des conséquences sur l’épargne avec des taux de rémunération plus élevés. Les épargnants en profitent mais cela a impacté nos résultats puisque le passif augmente rapidement alors que l’actif reste bas. Cela fait que notre marge s’est contractée. Mais puisque nous faisons d’autres choses que de prêter de l’argent aux clients, en proposant de nombreux services et produits nous conservons un résultat extrêmement solide à 75 millions d’euros. Cela nous permet de renforcer nos fonds propre et de continuer à investir pour l’économie et le territoire.
Nous avons embauché 150 personnes l'année dernière
Vous avez pourtant fait des efforts sur vos marges de fonctionnement en recul de 3% sur la même période. Cela veut dire que votre banque devient plus prudente ?
Non c’est plutôt une contraction de charges exceptionnelles. Nous avons repris une provision sur un risque opérationnel qui explique notre baisse de charge. Mais dans l'informatique, le digital mais aussi sur nos investissements en ressources humaines nous avons continué à investir. D'ailleurs nous avons embauché 150 personnes l'année dernière, avec 88 alternants et nous avons accueilli 150 stagiaires. Donc nos investissements humains et digitaux ont continué à progresser.
En 2023 vous avez signé 26 000 crédits de moins qu’en 2022. Est-ce les porteurs de projets qui se font rares ou votre banque qui prête moins ?
Les banques répercutent le prix de l'argent ! Et quand un particulier veut investir dans un appartement ou dans une maison et que les taux augmentent et bien le projet devient plus compliqué et notamment les primo-accédant. Et donc ils sont nombreux à avoir reculé leur projet ou même à y avoir renoncé car les prix de l'immobilier ne se sont pas réajuster. Vous rajoutez à cela d'éventuels travaux de rénovation énergétique qui deviennent essentiels pour un certain nombre de propriétaires et cela donne des projets compliqués à financer.
L’une des solutions est d’augmenter la durée des crédits. Vous y-êtes favorable ?
Aujourd’hui la loi est un peu plus contraignante en la matière. Nous sommes encadrés par un certain nombre de règles qui ont rajouté des limites à ce qu'on pouvait faire et c'est plutôt sain de ne pas prêter sur de trop longues durées. Cela protège l'emprunteur mais aussi la banque.
Il y a cependant des réflexions du Haut Conseil de stabilité financière sur d’éventuels assouplissements des règles. En tout cas nous notre travail est d'évaluer le risque des projets dans l'intérêt de la banque mais aussi du client qui emprunte.
Le coût du risque a justement fortement progressé pour le Crédit Agricole Loire Haute-Loire. 7,9 millions d’euros de plus qu’en 2022 pour atteindre 27 millions d’euros. Est-ce que cela veut dire que les entreprises et les particuliers à qui vous prêtez de l’argent sont en difficultés ?
Non, c'est une conséquence du Covid. il y a eu une action très déterminée des pouvoirs publics pour soutenir l'économie et les ménages avec beaucoup de liquidités qui ont été injectées dans des aides lors du « quoi qu'il en coûte ». Cela a permis de passer la période de pandémie et on a eu un coût du risque très bas pendant une à deux années. Maintenant nous avons une normalisation du coût du risque avec un retour au niveau d'avant Covid. Mais cela ne veut pas dire qu'il n’y a pas de clients en situations tendues. Si je devais donner un seul exemple ce serait celui de l'immobilier avec l'ensemble de la filière, promoteurs et entreprises de BTP qui sont plus touchés que d'autres secteurs.
La Banque de France évoque une baisse possible des taux d’intérêt d’ici la fin de l’année 2024. Comment voyez-vous les choses évoluer ?
Nous restons dans un contexte très imprévisible avec une année d'élections majeures (Elections européennes et élections aux Etats Unis) et des conflits armés dans le monde. Cela crée beaucoup d'incertitudes et je pense que la question que se pose la BCE et de trouver les bonnes réponses car il ne faut ne pas baisser trop vite les taux parce que cela peut avoir de multiples conséquences. J'ai entendu qu’elle prendrait des décisions au printemps ou à l'été. Mais je ne suis pas dans les discussions de la BCE… Mais je pense qu'on pourrait avoir une baisse des taux effectivement dans cet horizon-là, sauf nouvel événement.
2023 a été marquée par la mise en œuvre de votre projet d’entreprise intitulé « Engagés ! ». Comment cela s’est-il concrétiser ?
Nous avons présenté ce projet en fin d'année 2022 et nous nous sommes mis en mouvement dès le début 2023 avec de nombreuses transformations dans l'entreprise. Nous avons complètement réorganisé nos agences et notre réseau commercial avec des impacts pour les clients car un certain nombre ont changé d'interlocuteur. L'idée c'était de mettre en face de chaque personne la compétence la plus adaptée possible Je vous donne deux exemples : nous voyons bien qu'il y a un vrai sujet sur l'habitat en matière de conseil à la fois sur le projet immobilier qui peuvent devenir de plus en plus complexe avec également des enjeux de rénovation énergétique des logements et donc nous avons mis en place des conseillers spécialisés habitat et transition. Nous avons aussi le sujet de la santé avec des problématiques spécifiques aux professionnels libéraux qui profitent aujourd’hui d’un pôle santé. Mais nous avons aussi des conseillers spécialisés sur le patrimoine, des banquiers spécialisés sur la famille ou encore une banque des entrepreneurs. Nous sommes en train de former l'ensemble de ses conseillers nous aurons un très bel accompagnement client dans les années qui viennent. En parallèle nous investissons sur le digital puisque ce qu'on veut c'est que le client consomme la banque à sa façon et nous voulons lui proposer le meilleur service, nous avons une appli qui marche très bien qui s'appelle « ma banque » et si il veut aller en agence il doit trouver la bonne compétence avec le conseiller pour l'accompagner.
On fait du "pas partout pareil"... mais on est partout quand même
Cette nouvelle organisation est-elle compatible avec le maillage actuel du Crédit Agricole Loire Haute-Loire ?
Oui car on fait du « pas partout pareil » parce que le territoire est divers mais nous sommes partout quand même ! L'idée reste d’avoir des agences en proximité sur l'ensemble du territoire et que les clients puissent faire appel à des spécialistes, y compris en visio. Nous tenons à notre maillage car c'est ce qui nous différencie et donc ce qui nous différencie c'est aussi ce qui nous permet de nous développer, d'être en conquête de clients, de fidéliser nos clients, d'apporter le meilleur service et donc renoncer à la proximité ce serait renoncé à cette différence et à notre spécificité ! La marque des leaders c'est de continuer à faire de la croissance organique, de toujours gagné des clients. C’est ce que nous faisons et je pense que nous le faisons aussi grâce à cette proximité. Par contre un maillage sa vie et je ne vous dis pas qu’il sera identique dans les 30 ans qui viennent parce que nos clients se déplacent et qu’il faut être là où ils sont. Mais nous sommes très attachés à cette proximité avec nos clients.
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