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"La visio m'a tuer" ou la virtualisation du monde du travail

Un article rédigé par Yves Thibaut de Maisières - 1RCF Belgique, le 25 mars 2024 - Modifié le 29 août 2024
16/17Alexandre des Isnards : "la visio m'a tuer"

Anthropologue et analyste du monde du travail, Alexandre des Isnards publie "La visio m'a tuer" aux éditions Allary. Sous forme de saynètes qui illustrent le quotidien au travail, l'auteur souhaite nous inviter à réfléchir sur la virtualisation de la vie de bureau et du "travail à distance". Il est l'invité de Yves Thibaut de Maisières. 

(C) Alexandre des Isnards - LinkedIn(C) Alexandre des Isnards - LinkedIn

Dans un contexte de relations au travail devenues virtuelles (avec l'intensification des visioconférences notamment), devient-on plus individualiste au travail ? 

 

En tout cas, on ne travaille plus comme avant, mais peut-être qu'effectivement on n'est plus comme avant. Peut-être qu'on s'est habitué à mettre de la distance dans nos manières de communiquer. De ce point de vue là, c'est la poule et l'œuf, il faudrait savoir. Est-ce que c'est le fait qu'on est habitué à se parler par vocaux ou par messages désynchronisés ? Ça s'est répercuté sur le travail où on s'habitue finalement à ne plus avoir besoin d'être ensemble pour travailler. On peut très bien "se lâcher" un message sur le chat de Slack et l'interlocuteur répondra plus tard. Mais c'est un échange désynchronisé. Dans la vie quotidienne et privée, on est pareil aussi. C'est-à-dire qu'on regarde un programme, et l'autre on regarde le replay.

Le monde du travail est devenu plus flexible en tout cas. C'est-à-dire plus flexible, ça veut dire qu'on peut l'arranger à sa sauce. Chacun réclame des avantages. L'entreprise réclame de ses salariés, les salariés réclament plus de liberté, les entreprises réclament plus de présence. C'est une négociation permanente. Mais effectivement, on est habitué à paramétrer sa façon de communiquer à l'autre.

Pensez-vous que cette nouvelle manière de vivre le travail - sans vie de bureau, avec davantage de télétravail - a une incidence sur la quête de sens au travail ? 

 

On peut se poser la question, pourquoi revient-on au bureau ? Pourquoi y va-t-on : pour travailler ensemble. Mais si on peut travailler à distance, a-t-on besoin d'y aller ?

Parfois, on y va pour retrouver les collègues qu'on aime bien, parce qu'on aime bien ne pas travailler tout seul chez soi. On demande donc aux autres avant d'aller au bureau s'ils vont être là, parce qu'on n'a pas forcément les mêmes jours de télétravail. Souvent, on est obligé de venir le lundi et souvent le vendredi est autorisé pour le télétravail, mais ça dépend des boîtes, ça dépend des règles. Donc, on est désynchronisé. 

Si jamais on ne retrouve pas ses collègues, pourquoi on irait travailler ? C'est une question qui ne se posait pas avant d'aller au travail, parce qu'il fallait aller au travail et puis on rentrait chez soi. C'est une première chose. Oui, j'ai l'impression que le sens, on se le pose plus quand on est face à soi-même que quand on est avec les autres.

Mon sentiment, c'est que quand la relation au travail est virtualisée, on a du mal à se le représenter. Quand on est seul, il faut plus de force intérieure pour arriver à se décider à avancer. Quand on voit les autres travailler autour de soi, on se pose moins la question. Il y a une émulation et je pense qu'on perd cette émulation quand les bureaux sont vides parce que les gens sont flex-office. 

Est-ce la visioconférence qui constitue le point de bascule et qui rend tout simplement le travail éreintant ? 

 

C'est-à-dire que la visioconférence est le point de bascule parce que c'est devenu le mode de réunion par défaut. Parfois même, on fait des visioconférences d'un étage à l'autre de la même entreprise. Donc on télétravaille au bureau. Je pense qu'effectivement la visio est centrale, c'est à la fois un symbole et un moyen de résumer un peu ce monde du travail en distanciel. Mais il n'y a pas que la visio, il y a aussi les outils collaboratifs (Slack, Teams, Gmail). Tous ces éléments de virtualisation rendent la spontanéité plus rare : les apartés, les débriefings de réunion, les réunions de visu disparaissent.

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