Les agriculteurs sont nombreux à appartenir à des groupes pour se former et échanger avec leurs pairs. Aujourd’hui, encore plus qu’hier, le collectif joue un rôle essentiel pour appréhender les changements auxquels l’agriculture doit faire face.
« Les groupes, c’est la formation continue des agriculteurs avec la différence que ce sont bien les adhérents qui décident des thèmes abordés. » Installé depuis 2001 sur une exploitation laitière, Christophe Heurtaux a toujours fait partie de collectifs. C’est d’ailleurs l’une des premières choses qu’il a faites en s’installant, il s’est inscrit à un groupe céréale monté par le Groupement de vulgarisation agricole du Coutançais. « On était une petite dizaine d’agriculteurs à échanger sur nos pratiques. Ça m’a permis de sortir des connaissances théoriques que j’avais pu voir en cours. Grâce à ce groupe, j'ai réduit fortement la quantité de produits phytosanitaires à utiliser. C’est en se formant qu’on améliore nos pratiques. On fait des tests sur notre exploitation, quand on se retrouve ensemble, on donne nos résultats ».
Le métier d’agriculteur, c'est un métier de remise en question permanente
Dans la Manche, il existe aujourd’hui différents types de groupe, à commencer par le CRDA Manche, le comité régional de développement agricole. Cette association regroupe 350 adhérents, désireux de travailler en collectif pour développer leurs compétences, partager leurs connaissances et expériences. Il existe aussi plusieurs GIEE, des Groupements d’intérêt économique et environnemental, reconnus par l’État, dans lesquels des agriculteurs échangent sur leurs pratiques agro-écologiques. Sans compter les CUMA, qui concernent la mise en commun de matériel, les coopératives et d’autres associations en tout genre.
Pour Christophe Heurtaux, il n'y a plus de recette unique aujourd'hui en agriculture. « Avec les nouvelles réglementations, les crises successives, le changement climatique, on est toujours obligé de se remettre en question. Il y a 20 ans, il y avait un seul système : maïs, pâturage au printemps et on ne se posait pas plus de questions que ça. Aujourd’hui, on est toujours à la recherche de solutions. »
« Le travail en collectif fait partie de l’ADN de l’agriculteur. Depuis toujours, des gens travaillent ensemble dans les champs. Ils mettent en commun leurs matériels, font des corvées en commun », rappelle Valentine Le Velly, animatrice au sein du CRDA. Mais aujourd’hui la forme du collectif a changé. « Avec la révolution verte, le collectif servait à donner de l’information quand de nouvelles techniques et produits étaient développés. Maintenant, c’est le collectif qui trouve ses propres solutions et qui progresse », explique Valentine Le Velly.
« Le contexte a changé, ce n’est plus la même situation économique, le même encadrement des marchés. En 2015, c’est la fin des quotas laitiers. Il y a l’évolution de la PAC qui oblige les agriculteurs à se questionner encore plus. Le collectif doit jouer un rôle fondamental pour accompagner ces évolutions-là », explique Marie-Christine Legrand-Fort. Travaillant depuis 30 ans au service des collectifs, au sein de la Chambre d’Agriculture, elle remarque, elle aussi, que le fonctionnement de ces groupes a changé, reposant davantage sur l'intelligence collective. « On n’est plus dans la diffusion de recettes, mais dans quelque chose qui part du bas pour aller vers le haut. La notion de pair à pair est très importante. Face aux changements, notamment climatique, les solutions viendront forcément de cette capacité des agriculteurs à se regrouper, à trouver des solutions ensemble, et à les partager. »
Au-delà de permettre de s’adapter aux changements, les collectifs ont aussi un rôle social. Pour Marie-Christine Legrand-Fort, le collectif peut avoir un effet « dopant ». « Il faut imaginer un hiver comme celui-ci, quand on est seul sur sa ferme. Le fait de se retrouver entre pairs, d’échanger, de partager, de se rendre compte que les autres ont les mêmes problèmes, c’est une occasion de se ressourcer et d’avancer. Ce côté social est assez prépondérant dans les collectifs. »
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