La plus grande librairie religieuse de Belgique francophone fête son centenaire. L’UOPC réalise 30% de ses ventes avec les livres et objets religieux. « L’Union des Oeuvres de la Presse Catholique » est devenue « Une Ouverture Pour Chacun ». C’est une fameuse aventure. Rencontre de son patron, l'entrepreneur enthousiaste Bernard Rummens qui a racheté l'entreprise en 2018 pour la redéployer. Quel est l’avenir du livre religieux ? Qu’est ce qui marche ? Quelle est l’histoire rocambolesque de l’UOPC ? Pourquoi avoir racheté cette librairie ?
L'exercice du métier de libraire n'est pas conditionné à l'obtention d'un diplôme mais plutôt à la culture générale, aux aptitudes commerciales et à l’expérience évidemment. Bernard Rummens est ainsi devenu libraire après une trentaine d’années comme cadre dans une chaîne de magasins de bricolage puis dans un groupe de papeterie et d’articles de bureau. Ces expériences combinées à son diplôme d’ingénieur de gestion de l’UCLouvain lui permettent de rapidement prendre ses marques lorsqu’en 2018, il prend le risque de racheter la majorité des parts de l’UOPC, notamment à des membres de sa belle famille. Il rappelle d’ailleurs que c’est grâce à son dynamique beau-père Jean-Marie Jamoulle que la librairie est devenue un lieu convivial facilitant les rencontres et le partage des connaissances dans un bâtiment accessible à tous.
Environ un tiers des livres vendus sont religieux ou de spiritualité. Les catégories qui fonctionnent le mieux traitent du bien-être et du développement personnel. Le succès des mangas auprès des jeunes les invite à visiter la librairie et pourquoi pas les amener à s’intéresser à la littérature.
En 1923, la famille Lebrun fonde l’UOPC. Les activités d’origine sont l’impression de brochures, d’images pieuses et de cartes postales, la vente de livres et d’objets religieux. Entre 1932 et 1965, l’UOPC est située au 218-220 chaussée de Wavre à Bruxelles, dans les bâtiments qui hébergeaient à l’époque la Nonciature Apostolique, qui représente le Pape en Belgique. Les Pères Assomptionnistes (groupe Bayard, La Croix, etc) reprennent l’UOPC en 1965. Celle-ci reprend à son tour les activités de l'hebdomadaire “La Croix de Belgique », dont elle cèdera en 1970 les activités au journal « Dimanche ». Quelques années plus tard, en 1984, l’UOPC se reconcentre sur la vente au détail, abandonne la diffusion et change de propriétaire en accueillant Jean-Marie Jamoulle.
L’implantation actuelle de l’UOPC le long du viaduc Hermann Debroux à Auderghem remonte à 2007, pour une meilleure accessibilité et un espace plus convivial. Le décès de Jean-Marie Jamoulle en 2015 marque un tournant. Son beau-fils Bernard Rummens reprend la librairie qui compte environ 50.000 articles sur deux étages et une surface de 1000m². Les clients peuvent profiter du jardin et de la grande salle de conférences qui reçoit de célèbres auteurs, régulièrement en partenariat avec RCF.
En matière de film, il apprécie “Presque”, une comédie interprétée par Bernard Campan et Alexandre Jollien. Elle retrace le périple de deux amis, l'un valide, l'autre IMC, en quête de liberté. Ce film sur le thème de l’amitié aborde le handicap et prône le mieux vivre-ensemble. Encore sur le thème du handicap, il aime le livre “s’adapter” de Clara Dupont-Monod. C’est l’histoire d’un enfant différent, toujours allongé, aux yeux noirs qui flottent. C’est l’histoire de sa place dans la maison natale, de sa place dans la fratrie et dans les enfances chamboulées. Celle du petit dernier qui a la charge de réparer, tout en vivant escorté d’un frère fantôme. Celle de la cadette, dans la colère et le dégoût de celui qui a détruit l’équilibre. Comme dans les contes, les pierres de la cour témoignent. Celle de l’aîné, qui, dans sa relation fusionnelle avec l’enfant, s’abandonne et se perd. Bernard et sa famille sont très sensibles aux questions liées au handicap vu que le fils cadet est infirme moteur complet.
Parmi ses souvenirs marquants de l’enfance, Bernard Rummens évoque sa grand-mère, une femme pieuse, droite et pleine de principe. Elle fut la seule à aller visiter le bébé d’un cousin, né pourtant hors mariage. “On peut ne pas être dans la jugement mais dans la compassion”.
Bernard apprécie le repos et la contemplation dans le Luberon, en particulier autour du village de saint Martin de Castillon, un charmant village provençal qui surplombe des champs de vignes et de lavande au pinacle des Monts de Vaucluse.
Qui est Dieu pour Bernard ? “C’est le début et la fin de toute existence. C’est le créateur de tous les possibles.” Dans la Bible, il est inspiré par l’expérience des disciples d’Emmaüs, qui causaient en chemin après la passion de Jésus-Christ lorsque le ressuscité les accompagna sur le chemin. Bernard est touché par cet instant où leurs yeux s’ouvrirent. “Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.”
Bernard Rummens est inspiré par MLK, Martin Luther King, ce célèbre pasteur baptiste mort assassiné le 4 avril 1968 à Memphis, dans le Tennessee. C’était un militant non-violent afro-américain qui plaidait pour le mouvement américain des droits civiques, en militant pour la paix et contre la pauvreté.
Concert du centenaire de l'UOPC à saint Jean Berchmans (Bruxelles).
Membre du conseil d’administration du Syndicat des Libraires Francophones de Belgique (https://www.leslibrairiesindependantes.be/), Bernard Rummens est un fin connaisseur des tendances du marché du livre. Le livre papier rencontre encore un joli succès. Alors que 30% des livres sont vendus au format numérique dans le monde anglo-saxon, ils ne le sont que de 7% dans le monde francophone. Les lecteurs aiment venir flâner dans les rayons de la librairie. D’ailleurs, seulement 3% des ventes sont effectuées via l’e-boutique à l’UOPC. Il est vrai que la visite d’une librairie peut aussi bénéficier de conseils avisés.
L’avenir des librairies passera-t’il par la “librairie-concept” ? C’est un nouveau type de librairie, plus petite, plus thématique qui développe son thème à 360° avec des ateliers, des espaces d’animation et de rencontres.
Selon un rapport du Syndicat national de l’édition en France, le secteur des livres de religion et d'ésotérisme en France pèse 48,3 millions d’euros entre avril 2021 et avril 2022, avec des ventes qui ont augmenté de 25 % grâce notamment à la réouverture des lieux de culte et des librairies après la pandémie de Covid-19. Malgré un regain d'intérêt pour ces ouvrages religieux, les ventes restent néanmoins inférieures qu'avant. "Il y a 30 ans, on considérait un livre comme un ouvrage à succès quand ce dernier faisait 10.000 ventes. Aujourd’hui, quand on atteint 2.000 à 3.000 exemplaires, on est super contents", a dit Marc Leboucher, éditeur aux éditions Salvator, à la journaliste RCF Lucie Rousvoal qui l’interrogeait en février 2023.
Chaque année, 78.000 titres sont déposés à la Bibliothèque Nationale de France dont environ 15.000 titres autopubliés. Cela représente plus de 1.000 livres édités par semaine. Environ 4% sont des livres religieux, soit 40. C’est énorme et la plupart sont vendus en petites quantités. Les éditeurs religieux français publient une grande variété de livres, notamment des Bibles, des livres de prières, des livres de méditation, des essais théologiques et des livres sur la spiritualité. Environ 30% des livres vendus à l’UOPC sont de type “religieux”.
Le monde de l’édition et des distributeurs tels les libraires se sont battus pour obtenir le prix unique du livre afin d”éviter une concurrence des grandes enseignes du web. Ainsi, depuis janvier 2018, tout éditeur ou importateur est tenu de fixer un "prix public". Le combat actuel des libraires est d’éviter la hausse de la TVA de 6% à 9% telle qu’envisagée par le gouvernement fédéral en recherche de nouvelles recettes. Cette augmentation alignerait la Belgique sur le taux de TVA des Pays-Bas, or le secteur est intimement dépendant du marché français. En effet, plus de 70% des ventes sont des livres édités en France dont la TVA n’est que de 5.5%.
Il y a de nombreux intermédiaires dans la vente d’un livre. En général, le prix de vente d'un livre est fixé par l'éditeur, qui accorde une remise sur ce prix aux différents acteurs de la chaîne de distribution, notamment les distributeurs ou diffuseurs, les libraires et les grossistes. Il en résulte que l’auteur gagne souvent 2 à 4% du prix de vente, voire 10% tout au plus pour les auteurs-vedettes. La répartition de la marge commerciale sur la vente d'un livre varie en fonction de nombreux facteurs, notamment le type de livre, le canal de distribution et le modèle économique de l'éditeur. Cependant, on peut donner une idée générale de la répartition de la marge commerciale sur un livre vendu dans un magasin de détail physique en Belgique. La marge commerciale pour un livre vendu en librairie est relativement stable et est généralement comprise entre 25% et 30% du prix de vente. Cette marge doit couvrir les coûts de fonctionnement de la librairie (location, personnel, stocks, etc.) ainsi que générer un bénéfice pour le libraire. Enfin, le diffuseur capte 15-20% du prix du livre pour assurer la distribution, la mise en place en librairie, la promotion, la publicité et les relations presse. Le coût de chaque étape peut varier en fonction des choix de l'éditeur. La marge résiduelle de l’éditeur sert à couvrir tout le travail d’édition, de mise en page, de promotion et d’impression.
Les librairies audacieuses comme l’UOPC ont le potentiel de se réinventer en lieux de convivialité, de rencontres, de découvertes littéraires et de partages.
Bon centenaire, chère madame UOPC !
Avenue Gustave Demey 14-16, B-1160 Bruxelles-Auderghem
Tel: 02/663 00 40 - Mail : info@uopc.be
Heures d’ouverture : du lundi au samedi de 10h à 18h30
Article de catho-bruxelles.be sur le centenaire de l'UOPC
Les chrétiens sont particulièrement investis dans le secteur de l’édition ! Livres, magazines, quotidiens, bandes dessinées, les publications sont nombreuses, dans un souci de parler à tous. Qu’en est-il du marché de l’édition chrétienne en France ? Quelles sont ses forces, ses faiblesses, ses dynamiques et à quels défis d’avenir est-il confronté ?
https://www.rcf.fr/articles/actualite/maisons-dedition-chretiennes-un-secteur-dynamique
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