De Marseille, certains ont l’image d’une ville violente et dangereuse. Si lors de son passage, le Pape François a demandé aux Français d'accueillir les migrants, il souhaite aussi que les cités soient des lieux de paix et de communion. Dans les banlieues de la cité phocéenne, des associations œuvrent à cette mission de fraternité.
"Je suis assez touché par les mots du pape, qui invite à oser faire le pas". Arthur Bello est responsable de l'antenne de Marseille de l'association catholique Le Rocher, créée en réponse à la fracture sociale dans les quartiers. Il évoque la "chance inouïe" d’avoir vécu les rencontres méditerranéennes, notamment lors d’un "moment très intime avec le pape samedi matin, dans la simplicité et avec des membres de l’association". Depuis deux ans, Arthur Bello, sa femme et son fils vivent dans les quartiers nord de Marseille. Un choix de vie qui, en plus de les rendre heureux, leur permet "d’enlever les étiquettes, de passer des moments de joie et de créer des lieux de paix".
L’association Massabielle est elle aussi installée au cœur des quartiers depuis plus de 20 ans. Sa mission ? être un lieu de paix et d’écoute. En partageant le quotidien des habitants et en accueillant les enfants pour du soutien scolaire, des jeux ou des activités, cette association catholique "crée du lien". Gonzague de Fombelle en est le directeur depuis un an et demi. Là-bas, il est accueilli par Wafa Guernoub, membre de l'association depuis 2016. Elle compte parmi les "80% de musulmans" qui fréquentent l’association. Installée en bas des tours, Massabielle fonctionne grâce à un principe de proximité. Petit à petit, les habitants y inscrivent leurs enfants et les locaux se transforment en lieu d'accueil.
"Construire l’être humain dans la dignité", c'est la devise de la Fraternité de la Belle de Mai depuis maintenant 140 ans. D'obédience protestante, l'association œuvre pour l’éducation populaire. "Chacun a des talents qui peuvent être mis au service des autres", résume le pasteur-directeur, Pierre-Olivier Dolino. Ces associations permettent de "se retrouver dans une diversité, de briser l’entre-soi qui habite notre société". Pour le directeur de la Belle de Mai, les lieux d'accueil sont "la place du village" : on s’y retrouve pour prendre un café, les enfants y jouent, on y parle de la vie quotidienne, de ses joies et peines.
"Dès qu'on s'assoit à table, il n'y a plus de distinctions". Autour d'un café ou d'un repas, les différences tombent vite et les distinctions s'effacent. Pour Gonzague de Fombelle, le vivre ensemble commence par l’accueil ; "mais il faut aussi se laisser accueillir, savoir se donner la main et être fraternels". Cette fraternité, il la vit dans le quotidien, "d'une manière vraiment informelle". Grâce au jeu, par exemple, mais aussi avec du soutien scolaire, par le sport ou par des sorties dans les calanques. "On voit les enfants rayonner quand ils sortent de chez eux et se rencontrent", s'accordent à dire les intervenants.
Si "la pauvreté est un facteur majeur de la violence", Pierre-Olivier Dolino s'agace de l'image véhiculée par les médias qui mettent en lumière la drogue ou les trafics. "La première violence est celle de la pauvreté, qui oblige à arbitrer entre l'achat de vêtements ou de viande ou à réduire le nombre de couches par enfant". Gonzague de Fombelle évoque quant à lui la "pauvreté d’incompréhension d’une grande part de la société française". À Massabielle comme au Rocher, les équipes comptent des services civique, stagiaires ou bénévoles issus de milieux favorisés : "ils vivent aussi le choc des cultures". "Cet élan chrétien qui invite à la charité donne de l'espoir". Au-delà des pauvretés, les intervenants se réjouissent de ce qui rassemble et d'être "des personnes debout, main dans la main".
"Ouvre tes yeux et tu verras", dit la Bible. Le Coran, cité par Wafa Guernoub, membre de Massabielle, montre qu'on "a besoin les uns des autres et qu'on peut avancer malgré nos différences". "Qu'est ce qu'on sait de la réalité d’une vie comme celle de Wafa ?", questionne Gonzague de Fombelle, qui témoigne des "petits miracles auxquels il assiste chaque jour". Pour lui, être au sein même de la cité permet de vivre sa foi autrement, "en ayant le regard collé aux réalités du du quotidien". Et à Pierre-Olivier Dolino d'ajouter : "on est des artisans. Les associations sont des laboratoires d’expériences humaines".
"Il y a des quartiers chauds, c’est sûr, mais il y a aussi des quartiers normaux", souligne Wafa Guernoub, qui alerte sur ce que l’État peut faire pour les jeunes, notamment en terme d’emploi. Pour l’instant, les associations font un travail important et nécessaire pour "mélanger les habitants et œuvrer contre le racisme". Pierre-Olivier Dolino reconnaît que "des choses violentes arrivent, qu’il y a parfois des personnes poignardées près de nos locaux", mais insiste sur la force de ce qui se partage avec les habitants. Pour Arthur Bello, "l'objectif est de restaurer la paix n'est pas du tout utopique" et est rendu possible grâce à la collaboration des habitants et des associations.
"Il peut arriver qu'on fasse des maladresses", reconnaît le directeur de Massabielle, qui évoque des "incompréhensions, du mépris de classe, parce qu'on n'a ni la même histoire, ni la même langue". Ces maladresses demandent de l'humilité pour reconnaître ses erreurs et demander pardon. Au Rocher, à Massabielle ou à la Fraternité de la Belle de Mai, tous font en sorte de "bâtir des ponts entre ces deux mondes".
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