Isère
La 20e édition de l'UTMB (ultra-trail du Mont-Blanc) démarre ce lundi 28 août à Chamonix. Sur la ligne de départ plus de 10.000 coureurs. Le succès de cette prestigieuse course dit quelque chose de la pratique du sport qui s'intensifie dans notre société. Jusqu'à devenir une priorité dans la vie de certaines personnes. Quand l'activité physique passe avant les amis, la famille ou le sommeil, c'est peut-être le signe d'une addiction à l'effort, appelée bigorexie. Comment l'éviter ? Réponses de l'ultra-traileur Mathieu Blanchard, arrivé 2e à l'UTMB 2022.
Organiser sa vie autour du sport : c’est le cas de plus en plus de personnes pour qui l’activité physique est devenue une priorité. Si le sport est bon pour la santé, pratiqué à l’excès il peut avoir l’effet inverse. Or, 10 à 15% des sportifs, amateurs ou professionnels, sont concernés par la bigorexie. Cette addiction au sport ou à l’effort reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 2011.
Donner plus de place au sport jusqu’à diminuer son temps de sommeil, moins voir ses amis ou sa famille… Clément, 23 ans, a basculé à la faveur du premier confinement en mars 2020. Passionné depuis toujours par la course d’orientation et le cyclisme, cet étudiant en école d’ingénieur a fait de l’activité physique un exutoire. "Je me suis tourné vers le sport et j’ai commencé à en faire beaucoup. Et quand je dis beaucoup… Je courais au moins 10 kilomètres par jour, quasiment, plus de 100 kilomètres par semaine et toute ma journée s’articulait autour du sport." Jusqu’à ne pas aller en cours, délaisser ses amis - "l’amour n’en parlons même pas !"
Passé de 65 à 48 kilos, Clément a été hospitalisé pour les dommages que cela a causé sur son foie. "Il m’a fallu six mois pour me reconstruire psychologiquement." Et pour retrouver un rapport sain à l’exercice physique. Aujourd’hui encore il se demande comment son cœur a fait pour tenir un tel rythme.
Plus on fait du sport, plus on développe sa masse musculaire. Et plus on ressent les effets de l’endorphine. Cette hormone sécrétée par le cerveau qui a un effet euphorisant et anti-stress. Le psychiatre Dan Velea, spécialiste des addictions, suit une dizaine de sportifs accros, souvent à des stades très avancés. Selon lui, l’une des causes de la bigorexie tient dans "l’image par rapport aux autres".
Il fait figure de favori pour la vingtième édition de l'UTMB, le très prestigieux ultra-trail du Mont-Blanc. Mathieu Blanchard a fini deuxième, derrière Kilian Jornet, l'an dernier. Il a même réalisé un exploit : parcourir les 171 km (avec 10.000 m de dénivelé positif) en moins de 20 heures ! Malgré l’ampleur du défi, la clé, selon l’ultra-traileur, c’est de savoir poser des limites. "Lorsqu’on commence à avoir des comportements qui dérivent totalement sur l’équilibre d’origine, par exemple si on commence à s’isoler, à ne plus voir nos proches, nos amis, si on commence à avoir des troubles alimentaires, à ne plus consommer de nourriture pour par exemple perdre du poids, tout ça ce sont des signes qu’éventuellement le sport a un impact négatif sur notre vie."
L’UTMB 2022, cet ancien participant de l’émission Koh-Lanta, s’y était préparé "corps et âme". "Un projet comme ça il faut y être dédié corps et âme, c’est un dévouement total pour mener un tel projet, c’est des mois et des mois de préparation. Tous les jours quand on se lève on pense à ça, quand on s’entraîne, quand on mange, quand on dort… La vie tourne autour de ce projet-là."
Pour autant, courir n’est pas devenu une obsession. Après son exploit, Mathieu Blanchard a décidé de ne plus courir pendant une quinzaine de jours. "Je n’ai absolument pas de besoin obsessif d’aller courir, voire même ça me fait du bien", confie-t-il. Il ajoute : "Parfois l’hiver en saison hivernale, je suis capable de couper deux, trois mois la course à pied…"
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