On parle de plus en plus de dysphorie de genre et de transidentité. Si le genre est une notion aujourd'hui lourde de polémiques, elle suscite des questionnements réels notamment chez les jeunes. Il est donc nécessaire de revenir sur les termes du débat. Qu'est-ce que l'identité de genre ? Explications du Père Bruno Saintôt, jésuite et spécialiste de bioéthique.
C'est une demande croissante chez les jeunes : changer d'identité de genre. Ces demandes viennent bousculer des discours, des habitudes, des traditions, qui ont façonné les vies collectives et familiales pendant des siècles. Pour en parler, Frédéric Mounier reçoit le Père Bruno Saintôt, jésuite, directeur du Département d'éthique biomédicale du Centre Sèvres (Facultés jésuites de Paris). Il est l'un des auteurs du blog "Avec soin : la bioéthique, pour quelle humanité ?".
C’est une question "qu’il faut aborder avec calme". Si les débats sur le genre peuvent devenir houleux, on constate par ailleurs une demande croissante notamment chez les jeunes de changer d’identité. "Il y a des personnes qui souffrent dans leur corps, rappelle Bruno Saintôt, dans leur psychique, qui demandent des choses à leurs parents, à leur entourage, à la société, à la médecine…" On parle de "dysphorie de genre" pour désigner le sentiment de détresse qu'ils éprouvent.
Mais il y a aussi des parents désemparés, qui peuvent en venir à des formes de rejet parfois violent, devant des questionnements qu’ils ne comprennent pas. Pour le jésuite, "toute demande doit recevoir une forme de réponse" mais il y a "des discernements à accomplir". Surtout quand elle vient de jeunes prépubères.
Intersexualité, transsexualité… De quoi parle-t-on ? Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il est nécessaire de revenir aux définitions des termes. La définition même du mot "sexe" est ambiguë : elle concerne aussi bien l’anatomie, les gonades – ovaires ou testicules, les hormones et les chromosomes.
Avec le temps, un certain nombre de termes sont apparus.
Auparavant, on parlait d’hermaphrodisme pour désigner l’ambiguïté anatomique, chez une personne née avec des organes génitaux soit des deux sexes soit pas bien définis. Aujourd’hui on ne parle plus d’hermaphrodisme mais "d’intersexe".
Depuis les années 50, les personnes intersexes peuvent bénéficier des avancées de la médecine : en plus de la chirurgie, elles peuvent aussi suivre un traitement hormonal. Dès lors, on parle de transsexualisme, un terme que l’on doit au sexologue américain Harry Benjamin.
"Genre" : il est peu de dire que le mot a aujourd’hui une forte charge polémique. Il est apparu dans les années 50 aux États-Unis, avec John Money. Psychologue et sexologue, cet universitaire a travaillé sur le cas des personnes intersexes qui éprouvent un malaise dans leur corps. Des individus qui ne s’identifient pas à leur condition sexuée d’homme ou de femme. Il emploie pour la première fois le terme de "genre".
"Le concept de genre est assez simple à comprendre", nous dit Bruno Saintôt. Si d’un côté, il y a ce qui se rapporte au mot "sexe" - on est mâle ou femme, ou dans un état intersexué – il existe par ailleurs la notion de "genre". Elle repose sur des caractéristiques de la féminité ou de la masculinité liées à la société dans laquelle on vit.
Il existe plusieurs notions associées au genre, comme "l’expression de genre" : c’est-à-dire la façon dont une personne exprime sa condition sexuée par ses vêtements, ses gestes, sa coiffure, son attitude… Les sociétés humaines ont toutes défini des "rôles de genre" : des activités, rôles et fonctions attribuées soit à la masculinité soit à la féminité. La question qui se pose alors pour un individu est : vais-je les endosser ?
"Identité de genre", la notion est relativement nouvelle. Se demander quelle est son identité de genre c’est se demander si on est en accord (c’est-à-dire "cisgenre") ou en désaccord (soit "transgenre") avec sa condition sexuée. "Il peut y avoir une discordance entre ce que le sexe manifeste et une manière de se comprendre et de s’y identifier avec son sexe", explique Bruno Saintôt.
Avec le transsexualisme, il est question du passage d’un sexe à l’autre, une transition opérée par la médecine. Pendant longtemps, cela relevait d’une pathologie. Aujourd’hui, le transsexualisme est vu comme un terme péjoratif. On se rapporte non plus à la seule question du sexe mais à celle, plus globale, de l’identité. Vouloir changer de genre ce n’est pas nécessairement faire appel à la médecine ou à un traitement hormonal.
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