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"C’est parce que je suis faible que je suis fort", par Guillaume d’Aboville

Un article rédigé par Guillaume d’Aboville - RCF, le 5 mars 2024 - Modifié le 12 mars 2024
Loin des yeux, près du cœur "C’est parce que je suis faible que je suis fort"

LA CHRONIQUE DE GUILLAUME D'ABOVILLE - "C’est parce que je suis faible que je suis fort." Dans un monde qui promeut la puissance, l’adage biblique dit-il vrai ?

Guillaume d'Aboville est le directeur général d'Enfants du Mékong ©DRGuillaume d'Aboville est le directeur général d'Enfants du Mékong ©DR

23 février 2024, Bangkok, Thaïlande. Au cœur de cette mégalopole 15 fois plus grosse que Paris, la vie ne s’arrête jamais. Certains l’appellent « la ville champignon » tant les nouveaux immeubles poussent en quelques mois.

Au coeur du bidonville de Khlong Toei

Au cœur de Bangkok, près du port se trouve le bidonville de Khlong Toei. 120 000 personnes vivent d’habitations de fortune. Difficile de se croiser à 2 le long des circuits sinueux. A s’en perdre totalement. A en perdre aussi tous ses sens : avec les odeurs âpres des déchets jonchant le sol et l’absence de toilettes ; avec la vue des enfants drapés de guenilles au milieu des varans – ces lézards géants - longeant les habitations brinquebalantes.

Les regards des adultes sont durs, vides ; les enfants jouent au milieu de fils de fers rouillés et saillants avec une agilité déconcertante.

Loin des yeux, près du cœur "C’est parce que je suis faible que je suis fort"

Une lumière dans l’obscurité

Avec le père Edgard, prêtre Xaviérien missionnaire à Khlong Toei, nous voilà à déambuler sous 35 degrés dans ce dédale. Nous enlevons nos tongs avant d’entrer dans un bout d’habitation. Au fond, dans la pénombre de cloisons de contreplaqués se tient une vieille femme. Elle vit seule sur un lit, tout ce que la pièce peut contenir. Le père la visite une fois par semaine. C’est son seul contact avec la vie, dit-elle.

Il y a 18 mois, elle a perdu sa jambe et a été amputée. Elle habitait dans un quartier modeste avec son mari. Du jour au lendemain, sa différence physique a été un rejet massif des amis et de la communauté locale. Poids de la face, peur de la différence.

Elle a préféré fuir son mari et tous pour, dit-elle, « les laisser vivre normalement ». J’ai perdu ma jambe, mais pas ma tête. Elle ne se plaint pas, elle témoigne. Sa misère apparente recouvre une espérance indicible. Cette femme est devenue une lumière dans l’obscurité de Khlong Toei. Elle a trouvé une nouvelle communauté prenant soin d’elle. Et un père Xaviérien qui dit recevoir une force de vie en la visitant.

Elle est un éloge de la fragilité. Pour tous ceux de Khlong Toei. Pour moi aussi. Oui, son prénom ne vous est pas donné ce matin. Car nous sommes tous un peu de cette femme : avec notre lot de souffrances et d’espérance. Elle nous interroge : Que n’ai-je reçu que je ne puisse rendre ? Faut il attendre une lourde épreuve pour me donner totalement ?

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