Bordeaux
LE POINT DE VUE DE CORINNE BITAUD - À la COP Climat qui s’est terminée le week-end dernier, les participants ont tenté d’atteindre un objectif de 1 000 milliards de dollars de financement pour les pays en développement, soit dix fois plus que l’objectif fixé dans l’accord de 2009.
Les 100 milliards correspondaient à la reconnaissance d’une "dette climatique" des pays riches. Le nouveau montant, établi pour l’ONU par trois éminents économistes, correspond au coût cumulé de l’adaptation de ces pays aux changements climatiques, de leur transition vers des énergies décarbonées et de la restauration du capital naturel. En retirant des 2 400 milliards de dollars nécessaires les plus de 1 000 milliards que les pays concernés vont prendre en charge eux-mêmes, on arrive à une fourchette de 1 000 à 1 300 milliards de dollars, par an, de financements extérieurs.
À l’échelle individuelle, le montant semble énorme, même pour les personnes les plus riches de la planète qui ne possèdent "que" 100 à 200 milliards de dollars. Mais on peut mettre ce montant en regard des 7 000 milliards de dollars annuels de subventions aux énergies fossiles ou des 4 000 milliards d’augmentation des profits des industries fossiles en 2022. Cette estimation ne semble d’ailleurs pas contestée en elle-même.
Aujourd’hui, ce sont les 23 pays les plus développés selon les critères de 2009, mais depuis 15 ans, la Chine ou les pays du Golfe se sont considérablement enrichis… Et les pays émergents émettent aujourd’hui autant de CO2 que les pays dits développés. On discute aussi de la manière d’apporter ces financements. Pour faire simple, que l’on soit un État ou un particulier, il y a quatre manières de dépenser de l’argent : y être contraint (par exemple par une taxe), acheter un bien ou un service (par exemple un crédit carbone), rendre un service financier (les prêts représentent 70 % de la finance climatique) ou donner. Il faut arriver à combiner tout cela de manière équitable et, surtout, efficace.
Il y a donc également l’enjeu des contrôles auxquels doivent se soumettre donateurs et récipiendaires… Avec une absence de confiance de part et d’autre, mais aussi des postures rendant la discussion difficile. Ainsi, la Chine s’est opposée à l’élargissement du club des contributeurs. L’Arabie saoudite s’est opposée à un accord de suivi de la sortie des énergies fossiles. Et les 45 pays les moins avancés voulaient que les aides leur soient réservées, tant pis pour les autres. C’est, de part et d’autre, la grande foire du chacun pour soi. Personne, dans cette discussion, n’a semblé réellement au niveau des enjeux… qui sont avant tout des enjeux de solidarité.
Certes, et on voit bien que le diktat de la punchline conduit à des postures caricaturales. Pendant les négociations, un responsable d’ONG a déclaré : "Un non-accord vaut mieux qu’un mauvais accord." Bien sûr que non ! On sait qu’en matière de climat, chaque geste compte. 300 milliards de dollars par an, ce n’est pas rien, ce n’est pas "dérisoire" pour reprendre l’expression d’un homme politique d’un pays dit émergent, qui se classe aujourd’hui au cinquième rang des économies mondiales… mais ne fait pas partie des financeurs. L’idée est que ces 300 milliards vont se multiplier, qu’ils auront un effet de levier sur des financements privés. À y regarder de près, bien qu’elle soit un peu risquée parce que les miracles ne sont jamais certains, l’idée n’est pas si bête ! On a déjà vu ça avec cinq pains d’orge et deux poissons.
Il faut trouver 700 milliards via des financements privés, notamment des contributions d’entreprises et de fondations. Cela va donc passer par nos choix individuels d’achat, d’investissement, mais aussi de dons. La France est dans le top 5 mondial des pays les plus généreux pour les grandes causes, et la cause préférée des Français est la protection de l’enfance. Or, la justice climatique, c’est un enjeu majeur de protection des générations à venir. Qu’est-ce qui passe en premier dans nos vies ? Dit autrement : qui est Seigneur sur nos vies ? Ce que les États ne peuvent peut-être pas faire au nom du collectif, nous pouvons sans doute le faire au nom de nos valeurs individuelles.
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