Je vais encore vous parler de la réforme des retraites. Il faut dire qu’on est "dans le dur" sur le sujet, cette semaine. C’est "le" moment de l’histoire où les trois fronts de "la bataille des retraites" sont déployés simultanément. Front numéro un, l’opinion. Front numéro deux, la rue. Front numéro trois, le Parlement.
On les passe en revue ? Alors, côté opinion, l’affaire est pliée. Plus le gouvernement "explique" sa réforme, plus sa cote de popularité baisse. Les instituts de sondages sont unanimes, les opposants ont gagné.
Côté rue, ça se tient. J’ai suivi la manifestation à Paris, hier, la mobilisation reste forte. Tout le monde ergote sur les chiffres, chacun essayant de les traficoter dans le sens qui l’arrange, mais la vérité, à vue de nez, c’est que le camp du "non" tient bon. Ni érosion, ni résignation.
Reste le troisième front, la bataille du Parlement. Elle a démarré sur les chapeaux de roues, lundi, à l’Assemblée nationale.
Le chaos, oui c'est le mot. On s’attendait tous à ce que les débats dans l’hémicycle soient "musclés", mais pas à ce que la séance d’ouverture vire d’emblée à la foire d’empoigne. Au lieu d’examiner le texte de la réforme, les députés ont commencé par s’administrer une peignée verbale assez monumentale, assez peu compréhensible, et pour tout dire, franchement indigne des fonctions qu’ils occupent.
Incompréhensible, parce qu’il me semblait, à moi, que la stratégie des opposants était de convaincre les députés indécis du caractère impopulaire de la réforme. Avec des enquêtes d’opinion qui ne cessent de le clamer et une mobilisation maousse-costaud dans les rues, ils ont a priori tout ce qu’il faut pour parvenir à leurs fins. Mais non. Au lieu de débattre, la Nupes a finalement décidé de jouer la carte de l’obstruction, en déposant près de 18.000 amendements au texte. Impossible de l’examiner dans les délais impartis, la séquence ne pourra produire qu’un chahut stérile. Dommage.
Mais il y a bien pire. Lundi soir, Marine Le Pen a affirmé que plusieurs de ses députés ont reçu de faux messages les alertant d’accidents dont leurs proches venaient d’être victimes. Pour leur faire quitter l’hémicycle en urgence et mettre en échec un vote porté par le RN - pourtant sans enjeu - quelqu’un a essayé de leur faire croire qu'un de leurs enfants venait d’être hospitalisé.
Tous les coups ne sont pas permis, même en politique. On peut être farouchement opposé à un adversaire, le combattre avec force sur le plan des idées, mais il y a des choses qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas accepter, ni excuser.
J’ai utilisé le mot "indigne", j’aurais dû dire "dégueulasse". Si ce coup bas est avéré, et qu’il vient de députés, je ne vois pas bien comment ces derniers pourraient continuer à siéger sur les bancs de l’Assemblée. Quel exemple. Et quel triste spectacle livré aux citoyens que celui de représentants du peuple étouffés par la haine au point d’oublier qui, et où ils sont. C’est désespérant. Et dégoûtant, au sens propre du terme…
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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