Trois ans. Voilà trois ans que débutait le premier confinement. On estime à près de 170.000 le nombre de morts du Covid-19 en France. 170.000, la population de la ville de Grenoble. Et toujours pas de journée mémorielle. Pas plus d’ailleurs qu’un jour dédié à celles et ceux qui donnèrent sans compter durant tout ce temps : ceux des premières lignes, les premiers de cordées et parfois de corvée.
Il ne s’agit pas de se battre la coulpe, de ressasser du malheur et du chagrin. Non, il s’agit d’abord de dignité. Celle des femmes et des hommes qui sont morts, parfois si douloureusement seuls. De leurs proches tout aussi seuls et se vivant coupables de leur impuissance. Celle de tous ceux qui ont tenté de les soigner, de les entourer encore. Celle de chacune et chacun de ceux qui sont allés travailler fin que nous puissions nous soigner, nous nourrir, sortir. Bref cette foule innombrable aux mille et un visages.
Poursuivre dans ce silence c’est interdire à notre société de comprendre ce qui s’est passé. Comment faire mieux demain si nous ne cherchons pas à relire, à raconter, à analyser, à évaluer ? Ne pas le faire c’est surtout lentement se bercer de l’illusion que nous pourrions faire comme si cette épreuve - qui n’est pas encore derrière nous - n’avait pas existée. Invisibiliser est l’exact contraire de la reconnaissance que nous devons à chaque histoire, à chaque visage. Et c’est aussi laisser croire,
une fois de plus, que la précarité de la vie ne serait pas notre lot commun.
Nous savons - mais le savons-nous vraiment ? - que cette épreuve inédite a creusé les fractures sociales, accru les violences intrafamiliales et la pauvreté, les décrochages scolaires, les pathologies de l’anxiété. Face à tout cela, qu’avons-nous fait depuis pour mieux prendre soin les uns des autres ?
L’état de notre système de santé, des hôpitaux et de nombre de soignants, ne mène pas à beaucoup d’optimisme.
Bien sûr, des journées de mémoire vive - comme nombre de pays autour de nous l’ont fait - ne guériront pas ces maux. Mais peut-être aideraient-elles à la conscience partager de l’urgence de ces questions. De la gravité d’y répondre. De les vivre ensemble. Comme l’écrit l’anthropologue Laetitia Atlani Duault, présidente de l’Institut Covid-19 Ad Memoriam, dans une tribune du Monde*, beaucoup dans la société, des corporations entières, nous ont offert des dons : leurs temps, leurs compétences, leurs engagements, leurs sens de la solidarité. Alors faire mémoire est une forme de don en retour, de processus de reconnaissance. Enfin. Pour elles, pour eux et pour tous. Tous comptent, les morts et les vivants.
Véronique Margron
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