Dans cet édito, Véronique Margron revient sur l’inauguration du collège public Jules-Géraud Saliège, du nom de l'archevêque de Toulouse qui protesta en 1942 contre les convois de Juifs en zone libre. Pour certains, cela constitue une atteinte à la laïcité...
Chers amis,
Je ne sais si vous avez lu l’édito d’il y a quelques semaines, d’Isabelle de Gaulmyn dans l’excellent La Croix l’hebdo. Il concernait l’inauguration, à la rentrée dernière, d’un collège public à Toulouse par le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye : le collège Jules-Géraud Saliège, archevêque de Toulouse qui protesta en 1942 contre les convois de Juifs en zone libre. Grâce aux réseaux d’Église, il put ensuite les protéger.
Mais voilà aux yeux de La Libre pensée, donner le nom d’un ecclésiastique, y compris un des premiers "Justes parmi les nations", c’est trop, une atteinte impardonnable à la laïcité. Une conception d’une pauvreté insigne, qui nie la place des religions dans la construction d’une société, plus même, dans la défense de la justice et de la dignité, envers et contre beaucoup alors. Cette association vise pourtant "à développer chez tous les hommes l’esprit de libre examen et de tolérance". Elle reproche au cardinal – afin qu’il soit digne d’être au fronton d’une école publique, d’avoir osé écrire, le 23 août 1942, une lettre pastorale. Pastorale, donc confessionnelle. Non neutre donc.
Pas neutre du tout d’ailleurs, puisqu’en substance elle dit ceci : "Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier."
Comme le dit Isabelle de Gaulmyn, ainsi le courage, l’héroïcité du cardinal Saliège, qui défila dès 1938 aux côtés du rabbin de Toulouse contre la Nuit de cristal ne compte pour rien devant le fait d’être un clerc. Oui, les religions peuvent commettre le pire. Mais elles sont aussi ferment du sublime, des béatitudes, du bienheureux les doux et les artisans de justice. Du don en excès, par-delà toute obligation. Honorer la solidarité avec celui qui est en danger de mort, nié en son humanité ; être responsable de son frère.
Le ministre donna une réponse déjà : "C’est un beau nom, celui d’un homme qui s’est dressé contre la barbarie." Nous pourrions aussi proposer à La Libre pensée de lire cette interprétation de la laïcité, mais elle est d’une femme, et d’une femme de foi, Delphine Horvilleur : "La laïcité française n’oppose pas la foi à l’incroyance. Elle ne sépare pas ceux qui croient que Dieu veille et ceux qui croient aussi ferme qu’il est mort ou inventé. Elle n’est ni fondée sur la conviction que le ciel est vide ni sur celle qu’il est habité, mais sur la défense d’une terre jamais pleine, la conscience qu’il y reste toujours une place qui n’est pas la nôtre. La laïcité dit que l’espace de nos vies n’est jamais saturé de convictions, et elle garantit toujours une place laissée vide de certitudes... Elle affirme qu’il existe toujours en elle un territoire plus grand que ma croyance, qui peut accueillir celle d’un autre venu y respirer."
À bon entendeur…
Véronique Margron op.
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