"Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi." Cette parole du Psaume 23, du "bon berger", me poursuit. Marcher dans la vallée de l’ombre de la mort. Comment est-ce possible ? Les lectures du rapport de L'Arche et du livre de Tangi Cavalin sur "les dominicains face au scandale des frères Philippe", mènent mes pas, une fois de plus, en ce non-lieu de la vallée de l'ombre de la mort.
Celles où toutes les victimes furent projetées, où l’Église a été collectivement aveugle, malgré sa longue histoire de sagesse. Elle qui prétend savoir discerner "les signes des temps" aura été incapable de voir la secte en son âme, de distinguer et d’arrêter les perpétrateurs de violence.
De quoi provoquer un séisme intérieur, intime, autant qu’extérieur. Une vallée de l’ombre de la mort. Comment oser avancer là et croire qu’il sera possible de traverser, vivant, croyant ? Je relis alors ce que je disais lors de ma première chronique sur cette antenne en septembre 2018 avec cette interrogation inquiète : puis-je encore le dire ? Le croire ?
Voici quelques-unes de mes expressions alors : "Je ne suis pas catholique à cause des prêtres, y compris les meilleurs. Et ils sont nombreux. Je ne suis pas catholique à cause des évêques, y compris tous les pasteurs authentiques, proches et serviteurs de leur communauté. Je ne suis pas catholique à cause du pape, pas même le plus engagé auprès des déshérités de notre
temps.
Je suis catholique à cause de l’amour de Dieu pour les plus vulnérables. Je le suis à cause de Jésus, vrai homme, mortel, comme chacun. À cause de Jésus, le Christ, homme totalement vrai, accomplissant ce qu’il dit, donnant toute la vie pour ceux qu’il aime : notre humanité précaire, bouleversée et malmenée par le tragique de la vie. Notre humanité fracassée par des
prédateurs, au sein même de la maison qui devrait être la plus sûre : l’Église du Christ.
Je suis catholique, et du cœur de l’hiver de l’Église où nous sommes de par la monstruosité des abus et des crimes et la façon dont ils ont été impunément dérobés à la vue de la justice et de la vérité, je tente décidément de devenir disciple du Christ jour après jour. Je crois de toute mon âme, de tout mon cœur, de toute ma volonté et ma pauvre intelligence, que le mal et le mensonge ne l’emporteront pas.
Là sont mon engagement de tous les jours et mon espérance. Je supplie qu’ils soient toujours plus forts que ma colère, mon accablement et mon immense chagrin. Une colère, un accablement et un chagrin qui sont peu de chose à côté de ceux des victimes." (3 septembre 2018)
Aujourd'hui, chers amis, aujourd’hui, 5 février 2023, je crois que je peux reprendre encore mes propres paroles. Non sans crainte ni tremblement, non sans douleur, mais croyant que faire la vérité dans toute sa complexité comme son horreur, c’est aujourd’hui, dans l’ombre de la mort, le seul chemin de
l’espérance.
Véronique Margron op.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
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- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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