La crise politique que vit l’Irak depuis les élections législatives anticipées d’octobre 2021 a pris en début de semaine dernière un tour particulièrement violent. Une trentaine de personnes ont trouvé la mort dans des affrontements entre les branches armées de partis rivaux, dans la capitale à Bagdad mais aussi à Bassorah, la grande ville du sud du pays.
Les partis concernés ont en commun de se réclamer de la communauté la plus nombreuse du pays, la communauté arabe chiite à laquelle appartiennent environ 55% des Irakiens, les deux autres groupes les plus importants étant la communauté arabe sunnite (24% de la population) et la communauté kurde à majorité sunnite (15% de la population).
Depuis 2003 en effet, date de l’attaque du pays par les États-Unis et la chute de Saddam Hussein, la vie politique est organisée, de manière informelle par les partis politiques, selon des clivages ethniques et confessionnels. Une structuration qui est censée assurer qu’aucune communauté ne prendra le dessus sur les autres. Mais qui a aussi abouti à ce qu’à l’issue des élections, les formations politiques non seulement obtiennent des sièges à l’assemblée, mais se répartissent aussi à l’issue de longues tractations des postes dans l'État : ministères, directions d’administrations centrales, directions d’entreprises publiques… Une occasion de placer leurs partisans, ce qui a fait démesurément gonfler les effectifs de la fonction publique.
Mais il ne suffit pas que des responsables politiques appartiennent à un même groupe ethno-confessionnel pour qu’ils s’entendent, ni que leurs ambitions personnelles disparaissent. Témoin, les partis chiites irakiens, aujourd’hui divisés entre d’une part, un ensemble de factions proches de l’Iran et pour partie issues des milices qui se sont mobilisés à partir de 2014 contre l’État islamique quand une partie de l’armée était en déroute. Et d’autre part, les disciples de Moqtada al-Sadr, leader religieux populiste et nationaliste, issu d’une famille qui s’était opposée au régime de Saddam Hussein, et qui a combattu lui-même l’occupation américaine du pays.
Si en principe, les urnes sont là pour arbitrer entre les partis politiques et dire qui doit gouverner, les élections législatives d’octobre 2021 n’ont pas donné une réponse claire. Il est vrai que, lassés des querelles partisanes, de la corruption et surtout de la paupérisation d’un pays pourtant pétrolier, seuls 43% des Irakiens s’étaient déplacés pour voter. C’est le parti du populiste Moqtada al-Sadr qui a alors emporté le plus de sièges mais pas assez pour former un gouvernement même en s’alliant avec des partis arabes sunnites et kurdes, des communautés elles-mêmes très divisées.
C’est ainsi que depuis près d’un an maintenant, le pays est gouverné par le premier ministre qui était en poste avant le scrutin et qui est censé expédier les affaires courantes. Or, ce que les urnes n’ont pas clairement décidé, les responsables politiques sont régulièrement tentés de le régler par la force, comme la semaine dernière. Heureusement, cette fois, l’épisode de violence a été relativement bref. Mais il est à craindre que d’autres affrontements surviennent. Et surtout que, même en cas de dissolution du Parlement et de nouvelles élections, le résultat du scrutin ne soit pas beaucoup plus probant dans un pays où le désaveu de la classe politique croît de vote en vote depuis plus de 15 ans.
Yann Mens
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