En matière d'énergie, pour Féris Barkat, il n'y a pas de solution magique pour sortir des énergies fossiles. On doit certes décarboner au mieux mais sans illusion, car pour les horizons 2030, 2040, la meilleure énergie sera celle qu’on n’utilisera pas.
Je viens parler de transition énergétique, ce mot que tout le monde utilise. Expression qui a d’ailleurs été très tôt investie par les pétroliers : l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz parle d’archives dans lesquelles on voit que, dès 1982, le chef de la R&D d’Exxon, entreprise pétrolière et gazière américaine, utilise ce concept.
En effet, la transition énergétique ça signifie dans le fond que la question climatique, écologique n’est pas une question civilisationnelle, non il suffirait de continuer comme avant mais avec des énergies propres, on remplace une énergie par une autre, rapidement si possible, et tout ira bien.
Et bien c’est ça le piège, on nous explique souvent que l’histoire de l’humanité est une histoire de substitution alors qu’au contraire, c’est une histoire d’accumulation. Et non, à la révolution industrielle, le charbon n’a pas remplacé le bois. En Angleterre, par exemple, en 1900, on consomme 4,5 millions de tonnes de bois, plus qu’au XVIIIe, ce n'est donc pas une transition. Simplement parce que pour soutenir les galeries des mines de charbon, il faut du bois, bref : plus on utilise du charbon, plus on utilise du bois.
On entend aussi que le charbon, ensuite, aurait été remplacé par le pétrole. C'est faux : le pétrole au XXe siècle fait avancer les voitures, mais on utilise autant de charbon pour les produire. Environ sept tonnes. Bref, je peux continuer longtemps, mais il faut comprendre que les transitions sont très longues, tous les jours des technologies apparaissent, mais rien n’est à l’échelle. Alors arrêtons avec ces illusions d’énergies propres qui décarboneraient le mix énergétique.
Je ne suis pas un expert, mais j’ai un regard sur le mix énergétique mondial : les chiffres sont clairs, il y a 50 ans on a commencé à s’exciter pour sortir des énergies fossiles. Résultat : 80% du mix énergétique aujourd’hui c’est des fossiles, rien n’a bougé en 50 ans.
Donc penser qu’on va mettre des renouvelables partout, c’est-a-dire qu’on va les assembler, les construire avec d’autres énergies renouvelables, à consommation constante, c’est impossible. Déjà avec les matériaux mais simplement parce qu’aujourd’hui les renouvelables se construisent grâce aux fossiles.
Pour le nucléaire, c’est un amortisseur intéressant s’il peut nous empêcher d’avoir des blackouts, mais avec les paramètres climatiques, les enjeux liés à l’eau, le fait que le nucléaire exige un savoir-faire qui se perd et les conflits géopolitiques, je pense que, mondialement, ce serait un peu compliqué de miser dessus. Surtout qu’on met 10 ans à construire une centrale.
En conclusion, et ça a mis du temps à se construire dans ma tête, sans à priori particulier, on doit certes décarboner au mieux mais sans illusion, car pour les horizons 2030, 2040, la meilleure énergie sera celle qu’on n’utilisera pas.
Jeunes de la "génération climat", Alexandre Poidatz et Stacy Algrain livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
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