Féris Barkat a l'habitude de former des jeunes de quartiers populaires aux enjeux climatiques. Mais comment déclencher l'engagement ?
Avant de voir comment favoriser l’engagement, il me paraît indispensable d’analyser son essence, pourquoi certains s’engagent et d’autres non ? Pourquoi certains paraissent si vertueux et d’autres moins ? Pourquoi c’est souvent les mêmes qui ont le droit au titre d’engagé ? L’engagement peut prendre pleins de forme, j’ai rencontré une danseuse, ce week-end qui faisait passer son art à travers le prisme de ses convictions et c’est magnifique. Mais il y a, à mon avis, des freins ou du moins des prérequis à l’engagement qu’on doit identifier.
Il me semble qu’il y a deux ou trois prérequis indispensables si on veut identifier les leviers pour déclencher l’engagement :
D’abord il y a l’indignation, qui tire son origine dans le refus de l'existant, dans le refus de la fatalité d’une situation donnée, c’est donc par exemple considérer qu’une souffrance sociale, animale, politique, peu importe, n’est pas intrinsèquement inévitable. Pour accéder à cette indignation à mon sens, il faut avoir le temps de la réaliser, et parfois il faut les connaissances pour la comprendre et c’est par exemple pour cette raison qu’on fait de la formation sur les enjeux climatique dans les QPV. Et la deuxième porte d’entrée c’est bien évidemment l’expérience dans sa chair d’une situation injuste. L'indignation est donc la première étape vraiment cruciale pour l’engagement qui diffère, par conséquent, de la bonne action ou de la charité.
Deuxième prérequis, la confiance en soi : la conviction qu’on peut être utile, qu’on peut apporter quelque chose. Parfois cette conviction peut venir par imitation : on a vu un proche faire donc ça nous semble consciemment ou inconsciemment faisable. Mais ça peut aussi se travailler si on n’a pas cette chance. Le Collège citoyen de France m’a été d’une grande aide à ce niveau-là. L'idée de ce prérequis est de se dire qu’il y a une mission qui est faite pour nous et qu’on est légitime à essayer.
Et le dernier prérequis, plus compliqué à décrire mais sociologiquement fascinant, c’est la valeur social qu’un milieu donné accorde à l’engagement, l’image qu’on va renvoyer qui ne sera pas la même partout, cette appréhension sur la manière dont notre engagement sera reçu va parfois conditionner une posture et freiner l’engagement.
On peut dire que la graine de l’engagement est plantée, et ensuite pour la mise en mouvement, il y a bien-sûr des freins (le temps, l’argent) qui dépendent beaucoup des origines sociales. Mais une fois planté, l'engagement trouvera le moyen de germer. Je voulais insister sur ce point pour réaliser le caractère très circonstanciel de l’engagement. Personne n’est par nature voué à s’engager ou à ne pas s’engager, rien n’est gravé dans les étoiles et c’est ça qui est magnifique, il y a de la place pour tout le monde tant les défis sont grands. Une fois engagé, ce titre douteusement glorieux peut apporter une forme condescendance envers ceux qui ne le sont pas, alors souvenez de ma théorie de ce matin pour essayer de vous guider vers l’engagement.
Jeune de la "génération climat", Féris Barkat, 20 ans, livre son regard sur l'écologie et les clés pour changer le monde.
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