LE POINT DE VUE D'ANTOINE-MARIE IZOARD - Comme moi, vous vous souvenez de ce matin de juillet 2016 où nous avons appris qu’un vieux prêtre de 85 ans, le Père Jacques Hamel, avait été assassiné en pleine messe par deux jeunes islamistes dans la petite église de Saint-Etienne-du-Rouvray.
Je me suis rendu récemment sur place pour constater que cette paroisse de la banlieue de Rouen s’organise peu à peu pour accueillir des pèlerins qui viennent, de plus en plus nombreux, faire mémoire du vieux prêtre martyr. Ces pèlerins viennent souvent en groupe - des paroisses, des aumôneries de jeunes, des mouvement d’Eglise… - pour vivre un temps de témoignage sur la figure ordinaire du père Hamel et sa fin tragique, ainsi qu’un temps de prière sur les lieux-mêmes de son assassinat : l’autel qui porte encore la marque des coups de couteaux et, à ses pieds, la croix alors profanée qui se dresse là où le prêtre s’est effondré en reconnaissant son véritable agresseur avec ces derniers mots lancés aux islamistes : « Va-t’en Satan ! »
Oui, car c’est cela qui marque si profondément : l’humble vicaire, qui ressemble à tant de vieux serviteurs fidèles de notre Eglise, a été confronté au mal ultime, à la perversion de la religion. J’y ai beaucoup pensé ces dernières semaines en entendant, jour après jour, la tragique actualité des règlements de compte dans nos villes : la jeune Samara, rouée de coups devant son collège à Montpellier ; Shamseddine, l’adolescent mort après avoir été passé à tabac à Viry-Châtillon ; ou encore ces deux Algériens poignardés à Bordeaux, dont l’un a trouvé la mort.
Dans ces affaires récentes, le prétendu manque de respect aux lois de l’islam est en jeu, et souvent avec la perversion des réseaux sociaux. Et puis, surtout, en profondeur, la méconnaissance de l’inviolable liberté de chacun : liberté de croire ou de ne pas croire, ou encore de professer une religion ou une autre.
Comme me l’a rappelé Sœur Danielle, cette religieuse qui assistait à la messe célébrée par le Père Hamel ce matin de juillet 2016, les deux jeunes assassins du prêtre avaient soudainement basculé dans le radicalisme, notamment à travers Internet. Comme beaucoup d’autres, ces jeunes désœuvrés avaient cru trouver dans l’islam radical un sens à une vie qui en était tellement dénuée.
C’est précisément devant cela que Sœur Danièle met en garde les jeunes qu’elle rencontre lorsqu’ils viennent à Saint-Etienne-du-Rouvray. Son témoignage, à travers le drame qui a couté la vie au Père Hamel, est selon moi d’une grande force et particulièrement nécessaire dans les temps troublés que nous vivons. La religieuse préfère ne pas trop revenir sur les événements, mais elle en cueille plutôt les fruits inattendus, comme le rapprochement avec des membres de la communauté musulmane locale. Les jeunes qui basculent aujourd’hui dans la violence, avec trop souvent la religion en toile de fond, doivent prendre conscience que la fraternité est possible, que la vie est un bien à protéger loin des fanatismes les plus incohérents.
Notamment en faisant écho, comme nous le faisons cette semaine et comme vous l’avez déjà fait sur cette antenne, à cette rencontre improbable entre deux femmes aux destins marqués à vie par ce drame : Roseline Hamel, l’une des sœurs du vieux prêtre, et Nacera Kermiche, la mère de l’un des deux assaillants. Ces deux femmes ont fini par se rencontrer, partageant chacune la douleur de l’autre et témoignant, en parole et en actes, qu’une véritable fraternité est possible. A Montpellier, Viry-Châtillon, Bordeaux et partout ailleurs, cette prise de conscience sauverait des vies !
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