Comme chacun peut le constater on assiste pratiquement chaque semaine à une nouvelle déclaration de candidature pour l'élection présidentielle, ce qui est un processus normal en démocratie. Toute la question cependant est de savoir à quel point les ambitions politiques sont au service du bien commun. Ce sera cette année le travail de chacun, et notamment des journalistes, de scruter qui est authentique et qui ne l’est pas, qui est altruiste ou qui est incompétent.
Forcément on scrutera aussi la parole de l’Eglise sur de tels sujets. Or l’Eglise en France refuse de prendre position pour tel ou tel candidat afin d’éviter d’ajouter de la division à la division. C’est une position qu’on peut qualifier de sage mais qui parfois peut apparaître comme insuffisante compte tenu des enjeux que doit affronter la France aujourd’hui, qu’il s’agisse de la transition énergétique, de la lutte contre le chômage ou du combat contre les fondamentalismes. Or la politique de prudence des Eglises en France ne signifie pas pour autant qu’elles se désintéressent de la vie publique. Elles invitent en fait à faire preuve de discernement spirituel.
Ceux qui se rendront à la messe le dimanche 19 septembre constateront que l’Eglise catholique lira ce jour-là des textes de Sagesse. En particulier on lira la lettre de l’apôtre Jacques expliquant que les guerres viennent des désirs mal orientés tandis que la paix et la justice proviennent de la sagesse qui vient d’en haut. Jacques dévoile dans sa lettre l’un des secrets les mieux gardés du christianisme. Je le cite : « Bien aimés, la jalousie et la rivalité mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. Au contraire la sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie ».
En fait on a longtemps cru dans l’histoire de la théologie que la sagesse était une simple vertu comme dans la philosophie grecque. En réalité ce que révèle l’apôtre dans sa lettre c’est que la Sagesse est la vie la plus profonde de Dieu, la conscience que Dieu a de Lui-même. Et en plus cette Sagesse est accessible à l’homme. Elle peut réellement guider les hommes qui se mettent à son écoute pour leurs décisions les plus quotidiennes.
Il y a tout un courant en philosophie et en théologie qui a travaillé au XXe siècle sur cette question de la Sagesse de Dieu, un courant qu’on appelle la sophiologie. J’invite nos auditeurs à s’y intéresser, par exemple dans l’œuvre de Louis Bouyer ou de Serge Boulgakov. Car c’est dans cette connaissance de la Sagesse que se trouvent les réponses à la plupart de nos interrogations politiques. Un colloque vient justement de se tenir à l’université de Fribourg en Suisse sur la sophiologie du père Serge Boulgakov. Cet économiste, philosophe et théologien russe, qui reste encore méconnu, est pourtant aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands penseurs contemporains. Il a écrit en 1936 un livre dédié à la Sagesse de Dieu qui dit ceci : « Le monde créé est uni au monde divin par la Sophie divine. Le monde n’existe pas qu’en lui-même, il est en Dieu. Et Dieu ne réside pas seulement dans le ciel, mais aussi sur la terre dans le monde avec l’homme ».
Antoine Arjakovsky est historien, directeur de recherche au Collège des Bernardins, directeur émérite de l'Institut d'études œcuméniques de Lviv (Ukraine). Son dernier livre : "Essai de métaphysique œcuménique" (éd. Cerf). Il nous livre son regard sur l'actualité chaque semaine dans la matinale RCF.
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