LE POINT DE VUE DE STÉPHANE VERNAY - Pour Stéphane Vernay, le Rassemblement national a déjà gagné les élections législatives. Il va plus que doubler le nombre de ses députés à l'Assemblée nationale, et les 10 millions de voix engrangées le 30 juin, le parti de Marine Le Pen vient de faire fortune.
La vague "bleue marine" n'emportera peut-être pas tout sur son passage, dimanche prochain. On ne va pas se raconter d'histoires : le Rassemblement national a déjà gagné. Il va plus que doubler le nombre de ses députés à l'Assemblée nationale, et les 10 millions de voix engrangées le 30 juin, le parti de Marine Le Pen vient de faire fortune. Les règles de financement des formations politiques font qu'il devrait toucher au moins 20 millions d'argent public par an pour financer ses activités dans les prochaines années. Mais il est désormais probable qu'il n'aura pas la majorité absolue, faite de 289 sièges, une fois le dépouillement terminé.
L'ampleur des désistements, connue depuis hier, 18h. La participation record de dimanche a fait que trois candidats pouvaient se maintenir au second tour dans 306 circonscriptions - sur 577 - et des quadrangulaires étaient possibles dans cinq autres circonscriptions. On n'avait plus vu une chose pareille, pour des législatives, depuis plusieurs dizaines d'années. Et cette configuration aurait pu, aurait dû profiter au Rassemblement national. Les appels à faire barrage à l'extrême droite ont pu tarder à venir, du côté de la majorité présidentielle, on ne peut pas dire qu'ils ont été lancés de gaîté de cœur, ni même qu'ils ont été très clairs, mais ils ont été entendus. Plus de 210 candidats, principalement de la gauche et (un peu moins) du centre ont retiré leur candidature pour faire battre le RN. Il n'y aura finalement qu'une centaine de triangulaires dimanche prochain. Et que trois quadrangulaires a priori.
Oui, à la condition que les électeurs ne partent pas du principe que tout est joué. Il faudra se mobiliser autant pour ce second tour que pour le premier, parce que les choses ne se joueront qu'à quelques voix près dans plusieurs circonscriptions. On peut avoir de grosses surprises à la fin, dans la mesure où le choix de vote n'appartient qu'aux électeurs, et à eux seuls. Les consignes de vote sont de moins en moins suivies, et les reports de vote n'auront rien d'automatique. Vous aurez des électeurs de droite ou du centre qui refuseront de glisser un bulletin Nouveau Front populaire dans l'urne, et des électeurs de gauche ou de droite qui ne veulent plus donner leur voix au camp présidentiel - on ne les y reprendra plus. Si leur candidat de cœur n'est plus représenté au second tour, une partie de ces électeurs en colère s'abstiendront, voire voteront pour le Rassemblement national pour exprimer leur déception et leur mécontentement.
Rien n'est jamais acquis en politique, tout reste possible, mais quand même. Je l'ai dit, on assistera à une nouvelle victoire historique du Rassemblement national dimanche prochain, il y aura une grosse vague "bleu marine", ce sera une lame de fond, mais pas un ras-de-marée. Je ne crois pas que le RN puisse conquérir les 289 sièges nécessaires pour avoir le pouvoir en main et envoyer Jordan Bardella à Matignon. Le parti en a d'ailleurs bien conscience. Prenez le temps d'écouter ses grandes figures pour vous en convaincre. Depuis 48 heures, les ténors du RN se plaignent des appels à désistements, les dénoncent ou les moquent à tour de bras, et ce n'est pas pour rien. S'ils en parlent autant, c'est parce que ça les inquiète. Et qu'ils craignent de rater le grand chelem.
Personne ! Et c'est toute l'ironie de l'histoire. Si cette perspective s'éloigne pour le RN, elle est clairement hors de portée, après la recomposition des candidatures, du Nouveau Front populaire comme d'Ensemble pour la République. Nous allons tout droit vers un partage des sièges, avec le RN en tête, l'Union de la gauche sur ses talons et le centre derrière, à bonne distance. Tout ce petit monde aura bien du mal à s'entendre, après s'être mutuellement donné des noms d'oiseaux pendant toute la campagne, et nous risquons fort de vivre un blocage institutionnel tout à fait inédit. La blague, c'est que le Président a décidé de dissoudre l'Assemblée pour "clarifier" la situation et retrouver une majorité. Le résultat s'annonce spectaculaire : plus de majorité, même relative, pour personne ; une droite républicaine qui a explosé en vol ; une union de la gauche qui va se déliter en deux temps trois mouvements dès que l'élection sera passée ; une majorité présidentielle qui n'existe déjà plus ; et un seul groupe, fort et soudé, en ordre de marche pour remporter 2027 : le Rassemblement national. Emmanuel Macron voulait une "clarification" : sa présidence s'achève sur un énorme échec.
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