LE POINT DE VUE DE STÉPHANE VERNAY - Au cœur d'une actualité politique mouvementée, Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, créé des liens. Pour lui les destins du Rassemblement National et du gouvernement Barnier sont liés. L'un doit tomber pour que l'autre vive.
Ce sont les deux grands sujets politiques de la semaine, et j’en parle dans la même chronique parce qu’ils sont liés. La question qui va se poser après le discours de politique générale de Michel Barnier, c’est « Combien de temps ce gouvernement va-t-il pouvoir tenir ? » La réponse à cette question, c’est le Rassemblement national qui l’a, parce qu’une motion de censure de ce gouvernement ne pourra pas être adoptée sans les voix des députés RN. Or, les consignes que donnera Marine Le Pen à ses députés dans les trois mois qui viennent devraient en grande partie dépendre du procès qui démarre ce lundi devant le tribunal correctionnel de Paris.
On sait que Marine Le Pen a prévu de faire tomber le gouvernement. Elle l’a dit le 14 septembre à ses cadres, lors des journées parlementaires du RN : la situation politique est intenable, attendez-vous à de nouvelles élections législatives dès 2025 - « au printemps ou à l’automne » - lorsque l’Assemblée nationale pourra être « redissoute ». Si le président de la République ne veut pas s’y résoudre, le parti pourra l’obliger à le faire en censurant le gouvernement Barnier, et, au besoin, un ou plusieurs autres qui suivraient.
Mais les démêlés judiciaires qui démarrent aujourd’hui devraient conduire Marine Le Pen à attendre un peu avant de se lancer dans des manœuvres de déstabilisations. « Elle va faire profil bas, au moins provisoirement », estiment des députés de différents bords politiques. D’abord parce qu’elle compte bien suivre les audiences qui vont se tenir jusqu’au 27 novembre, ce qui va la gêner pour siéger à plein temps au Palais Bourbon. Ensuite, parce qu’elle aura intérêt à soigner l’image de son mouvement le temps des débats judiciaires. Montrer que le RN respecte les institutions et ne cherche pas à renverser le système, c’est mieux pour se défendre quand on est soupçonné d’avoir détourné des fonds européens.
C’est le pari que font la plupart des adversaires de Marine Le Pen, qui risque d’être personnellement condamnée à une peine d’inéligibilité dans cette affaire. Cela l’empêcherait de se présenter à la présidentielle de 2027. Un très, très gros enjeu pour elle, qui peut tout aussi bien la conduire à changer son fusil d’épaule après le verdict qui sera prononcé en première instance.
C’est ce à quoi s’attend une partie du camp présidentiel. Pour atténuer le séisme que constituerait une condamnation personnelle, Marine Le Pen pourrait être tentée de déclencher une crise politique et institutionnelle plus tôt que prévu. Faire tomber le gouvernement Barnier lui permettrait de faire passer ses propres déboires au second plan ; et de démontrer qu’elle a le contrôle de la situation politique.
On n’en est pas encore là, mais on n’est pas complètement dans de la politique fiction non plus. De toutes les façons, ça va tanguer fort pour le gouvernement Barnier. Le RN a prévenu qu’il lui couperait les ailes en temps voulu. Reste seulement à savoir quand il estimera qu’il est l’heure d’appuyer sur le bouton « siège éjectable ». Pendant le procès, au premier verdict, ou au printemps prochain ? Quel que soit le scénario retenu, les choses ne devraient pas tarder !
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