Pourquoi dit-on que les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ? Pourquoi faut-il que nous soyons toujours « attaqués » sur le lieu même de notre témoignage ? Peut-être pas toujours, mais disons : souvent !
Combien de fois réalise-t-on que le spécialiste à la mode de la « bonne gouvernance » se révèle être un manager pénible ou toxique ? Souvent, celui qui veut laver plus blanc que blanc, en matière d’abus ou de sexualité, se trouve être lui-même, avec certaines casseroles… Celui qui nous parle de justice sociale est parfois propriétaire d’un patrimoine considérable… etc. etc. Et On pourrait multiplier les exemples !
Ceci ne doit pas nous faire perdre confiance dans la possibilité d’un témoignage, mais enfin, ceci interroge : pourquoi faut-il que chaque fois que notre main désigne un sujet du doigt, trois autres doigts nous désignent, nous-mêmes ?
Il y a, il me semble, une raison naturelle : c’est que chacun veut injecter du ciment sur le sujet qui lui est cher, parce que précisément c’est le lieu de sa faille personnelle, intérieure.
Oui, le plus souvent ! Nos obsessions disent nos fractures. Mais vous avez raison, il peut y avoir - aussi - un combat spirituel qui vient se jouer après notre témoignage. Les tentations viennent se glisser là où nous croyons être les plus forts, les plus armés, les plus prévenus !
C’est malin… ou c’est providentiel, car nous sommes appelés à l’humilité !
Le cardinal de Lubac dit « Il faut que nous montrions par la vie, la plus sincère, que nous sommes des vivants (…), que nous ne sommes pas à part, que tout résonne en nous. »
Et, en effet, on ne demande pas à une sage-femme de n’avoir jamais souffert en accouchant… Son expérience de la souffrance est même très utile pour rejoindre les mamans qu’elle va accompagner.
Oui, enfin jusque dans une certaine limite… Car nous ne saurions accepter les contres témoignages !
Mais, chacun, nous sommes appelés à rejoindre en profondeur le public vers lequel nous sommes envoyés.
Ainsi, Tanguy Le Turquais, skipper du bateau Lazare, porte-parole des personnes de la rue, en quelque sorte, vient d’en faire la difficile expérience.
Il vient de prendre le départ de la transat CIC de Lorient, hier, vers New York. Il s’est trouvé accusé, il y a quelques semaines, de tricherie, en l’occurrence d’avoir favorisé son épouse Clarisse Cremer, lors du dernier Vendée Globe. La mise en cause a été brutale, pénible, insupportable même.
Puis, finalement, ils ont été tous les deux innocentés, après l’examen d’un jury de la course, qui s’est prononcé à l’unanimité en faveur de leur innocence. Mais la blessure reste vive ! Il est des coupures dont on ne guérit jamais… Ce sont les coupures de presse !
Un des colocs m’a dit : « ça y est ! c’est l’un des nôtres ! »
« Ah ? mais pourquoi ? » et lui de me dire :
Comme nous, il a parfois mal dormi,
Comme nous, il s’est fait voler son téléphone,
Comme nous, il a dû se justifier pour survivre,
Comme nous, il a vu son honneur piétiné, il a douté de lui-même…
Alors, Tanguy, bonne course !
T’as autant de colocs Lazare que d’amis, pour te souffler dans les voiles !
Ne la fais pas que pour toi, cette course, mais fais-la pour nous tous :
Pour tous ceux qui, comme toi, ont souffert de l’injustice !
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
Strasbourg
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !