LE POINT DE VUE DE THÉO MOY - Selon un sondage Ifop, 42% des catholiques pratiquants ont voté pour une liste d’extrême droite aux élections européennes. À quelques jours des législatives, Théo Moy revient sur ces chiffres impressionnants, et se demande comment des catholiques peuvent bien voter pour ces partis.
Ce chiffre de 42% m'a vraiment surpris. Pour moi, il y avait quand même chez les catholiques français une forme de résistance au vote d’extrême droite, même si j’ai été comme d’autres très marqué par le phénomène du vote Zemmour chez les chrétiens en 2022.
J’en ai donc discuté la semaine dernière avec le sociologue Yann Raison du Cleuziou, qui est un des plus fins connaisseurs du catholicisme français. Il m’a expliqué que si l’on s’intéresse aux catholiques qui pratiquent régulièrement leur foi, ce vote pour l’extrême droite baisse de façon assez importante. C’est d’autant plus important que ces catholiques les plus pratiquants sont aussi ceux qui assument le plus de voter en tant que catholiques.
Oui, et vous vous en doutez, c’est pour moi une source d’inquiétude et aussi d’incompréhension. Cette semaine j’ai mené un entretien pour mon journal La Croix avec Mgr Leborgne, qui est l’évêque d’Arras. À propos de ces électeurs, il a formulé un rappel important, que je vais citer un peu longuement.
Le baptême est bien plus qu’un rite ou une tradition, il ouvre à la vie "avec le Christ et comme le Christ". La foi s’habite, se professe, se travaille, il faut désirer se laisser conformer par l’Esprit Saint pour devenir disciple. L’Évangile appelle une éthique précise qui n’est pas à disposition de nos opinions
Ce rappel me semble absolument salutaire. On ne peut pas se réclamer du catholicisme, et voter pour des partis qui défendent le contraire exact de ce qui est non pas une interprétation des Évangiles, mais leur cœur même.
Ce cœur, c’est l’amour. Le catholique est appelé à bâtir ce que l’on appelle la civilisation de l’amour. Ce n’est pas une utopie, promise pour un au-delà lointain, c’est un engagement du quotidien, qui nous oblige à promouvoir la diversité, le pluralisme culturel et religieux.
C’est à travers cette diversité que l’on rencontre Dieu. Quand Jésus parle d’aimer son prochain, il évoque le Samaritain, qui n’est pas un proche, un voisin ou un fils, mais quelqu’un de lointain, très différent de nous. La foi chrétienne est un rempart contre le rejet, elle nous met au défi d’aimer tout autre qui se présente à nous.
Une des formes les plus développées dans les Evangiles, c’est l’accueil de l’étranger. Dans l'Ancien Testament, Dieu commande au peuple hébreu d'accueillir l'étranger parce qu'eux-mêmes ont été étrangers en Égypte. L'Évangile de son côté raconte l'exil de la Sainte Famille afin d'échapper à un tyran, Hérode.
Jésus va plus loin en s’identifiant lui-même clairement à l’étranger. Dans sa parabole du Jugement dernier (Matthieu 25), il dit aux bons "J’étais étranger et vous m’avez accueilli" et aux mauvais "J’étais étranger et vous ne m’avez pas accueilli." Dans le christianisme, l’accueil est un impératif moral, on ne peut pas s’en passer, ou le piétiner.
Pour conclure, Jean-Paul II, dans un passage tellement important que Benoît XVI lui-même l’a cité plus tard, a dit que "l’Église reconnaît le droit d’émigrer à tout homme, sous son double aspect : possibilité de sortir de son pays et possibilité d’entrer dans un autre pays à la recherche de meilleures conditions de vie." Il me semble que les programmes du RN et de Reconquête sont en contradiction manifeste avec ce principe évangélique et magistériel absolument indiscutable.
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