Pour Stacy Algrain, "la forêt était l’un de ces lieux qui dialogue avec nos cœurs et nos inconscients. Ses odeurs, ses lumières, ses bruits et ses formes". Pour elle, tout y est, "à condition de s’autoriser à sentir et ressentir".
Quoi de mieux pour commencer la journée qu’un passage du poème “La forêt” de François René de Chateaubriand.
"Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude !
Prestiges de mon cœur ! je crois voir s’exhaler
Des arbres, des gazons une douce tristesse :
Cette onde que j’entends murmure avec mollesse,
Et dans le fond des bois semble encore m’appeler.
Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière
Ici, loin des humains !… Au bruit de ces ruisseaux,
Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière,
Qu’ignoré je sommeille à l’ombre des ormeaux !"
À l’heure où j’écrivais cette chronique, je me trouvais dans un train, m’entraînant à toute vitesse en destination de l’Ardèche. À chaque paysage, chaque maison et plaines qui défilaient, je pouvais sentir mon corps et mon souffle changer. Sous la chaleur des rayons de soleil perçant par ma vitre, j’avais cette douce sensation de percevoir au plus profond de mon être les crépitements du printemps. Je n’étais plus l’adulte écrasée par l'anxiété.
J’avais de nouveau 9 ans. Un nœud dans mes longs cheveux blonds et des boucles d’oreilles coccinelles fièrement accrochées à mes oreilles.
Je souriais et me remémorais les histoires d’enfance que me racontait mon père. Autrefois, lui aussi fréquentait les forêts et paysages ardéchois. Des champignons en automne, des balades au printemps. La simplicité des instants pour la richesse des souvenirs, c’était ce que j’appelle un marché honnête.
Toujours perdue dans mes pensées, je réalisai peu à peu à quel point les forêts habitaient nos imaginaires. Parfois inquiétante et renfermant monstres et grand méchant loup dévoreur de petit chaperon rouge, parfois le lieu de tous les possibles.
Oui, la forêt était l’un de ces lieux qui dialogue avec nos cœurs et nos inconscients. Donnez une forêt à un enfant et elle deviendra magique. Fées, dragons et chevaliers, vous voilà plongé dans l’épopée fantastique d’une princesse en quête d’un royaume perdu.
Réalisateur ou artiste ? Peut être obtiendrez-vous un blockbuster questionnant notre rapport à la nature.
C’était là ce que j’aimais dans cet environnement.
Les possibilités infinies qu’il renferme.
Ses odeurs, ses lumières, ses bruits et ses formes. Tout était là, à condition de s’autoriser à sentir et ressentir.
Et moi, ce qui me manquait, c'était de m'attarder sur le monde du minuscule.
Débusquer les cachettes à champignon, pister les traces des animaux s’affairant dans la forêt à la tombée de la nuit, reconnaître les coups discrets des pics sur les troncs. C’était un peu comme prendre mon pouls. M’assurer que le vacarme de la ville n’avait pas fini par me rendre sourde aux bruits du dehors.
Mais, chaque fois que je revenais, mes craintes disparaissaient.
Oui, il y a parfois des choses si profondément ancrées qu’elles sauraient tout aussi bien résister à une tempête. Alors, je veux remercier l’enfant que j’étais pour les glands et marrons glissés dans mes poches. S’ils n’auront jamais pris racine dans l’humus des bois, mon âme n’en aura pas été un moins bon terreau.
Jeunes de la "génération climat", Alexandre Poidatz et Stacy Algrain livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
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