LE POINT DE VUE DE CLOTILDE BROSSOLLET - Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur, anciennement Sens Commun, a annoncé ces derniers jours dans les colonnes de Valeurs Actuelles avoir transmis la présidence de son parti politique à Marion Maréchal. La nièce de Marine Le Pen était sans parti politique fixe depuis son départ fracassant de Reconquête, au lendemain des élections européennes et de l'annonce de sa dissolution. Clotilde Brossollet revient aujourd'hui sur ce rapprochement.
Un tel rapprochement, selon Laurence Trochu, s’explique par le fait que le Mouvement Conservateur et Marion Maréchal partagent « les mêmes valeurs, le même enracinement et la même vision de la société. Il n’y a donc aucune raison de rester dans des structures distinctes et de ne pas unir nos forces. »
Plus qu’un rapprochement, il s’agit d’une OPA menée par Marion Maréchal et ses quelques fidèles qui l’ont suivie après qu’elle a claqué la porte de Reconquête : dès la présidence acquise, la jeune femme a tout simplement changé le nom du parti pour lui substituer celui d’Identités-Liberté. La pratique du bernard-l’hermite est une pratique courante en politique mais à la différence du crustacé, il ne s’agit pas là de s’approprier une coquille vide mais bien un parti avec son fichier de militants, ses élus, son maillage territorial et sa caisse aussi maigre soit-elle. Ne nous y trompons pas, une telle OPA signifie un détournement au profit de Marion Maréchal et donc la mort du parti conservateur, issu du mouvement social de La Manif Pour Tous.
Il faut le rappeler ses fondateurs avaient fait le choix d’intégrer l’UMP de l’époque et avaient pour ambition de renouer avec la notion de bien commun en « réconciliant la politique avec le réel » et de peser sur les primaires de la droite pour les élections présidentielles de 2017. De ce point de vue, ce fut un succès. Sens Commun a profondément contribué à l’élection de François Fillon lors des primaires de 2016 et sa fidélité au candidat, notamment lors du rassemblement du Trocadéro en mars 2017, a été sans faille. À l’époque, Sens Commun est un des mouvements les plus importants des Républicains, par son nombre de militants et la cohérence de son corpus doctrinal. Il me semble toutefois que, par la suite, ce mouvement politique s’est trouvé rapidement confronté aux deux grandes tentations de l’engagement politique, tentations auxquelles il a succombé.
La première, la tentation de griller les étapes qui fait oublier que la légitimité politique s’acquiert sur le terrain et dans la durée. Tandis que François Fillon est battu au premier tour des élections présidentielles de 2017, les militants de Sens Commun se lancent dans la bataille des élections législatives, alors qu’ils sont méprisés par les autres militants des Républicains qui les accusent d’avoir plombé la candidature de François Fillon, par leurs convictions réactionnaires. Sens Commun a été pris par cette frénésie qui donne à croire qu’on peut sauver la France à l’Assemblée nationale, même dans l’opposition. Avec un peu de recul et de patience, les militants de Sens Commun auraient dû se concentrer sur les élections municipales de 2020. Investir des conseils municipaux, avoir des élus locaux, se confronter au réel de la politique aurait offert à Sens Commun un poids politique qui aurait renforcé sa position au sein des LR et lui aurait conféré une légitimité et une crédibilité
incontournable auprès des électeurs.
La seconde tentation est celle de croire en l’homme providentiel. Sens Commun, devenu en 2020 le Mouvement Conservateur, a choisi de quitter les LR, à la veille des élections présidentielles de 2022, pour rejoindre Éric Zemmour et Reconquête. Mouvement sans leader fort, le Mouvement Conservateur a cru aux mirages de l’homme-providentiel, oubliant qu’un candidat crédible à la présidentielle a besoin de bien plus qu’une équipe de campagne, qu’une armée de militants, de théoriciens. Prétendre diriger un pays ce n’est pas seulement se faire élire, c’est aussi gouverner et cela ne se fait sans des hommes
expérimentés, aguerris par les difficultés du terrain, capables d’empathie à l’égard des souffrances du peuple, connaisseurs des institutions… Bref, si l’expérience de Sens Commun a connu quelques succès, elle se solde par un grand gâchis, celui de militants que les erreurs stratégiques ont usés dans la politique.
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