Elisabetta est une femme mariée, trompée pendant 27 ans par son mari ; elle est patronne des couples en difficulté.
J’ai découvert cette femme extraordinaire au cours de mes balades à Rome où, avec ma femme, nous avions l’habitude de nous promener à la découverte des églises qui sont innombrables dans la ville éternelle. Un jour, nous sommes entrés dans une belle petite église du Bernin, San Carlo alle Quattro Fontane (aussi appelée San Carlino) : l’église saint Charles aux quatre fontaines, tenue par l’ordre des Trinitaires. Là, nous avons découvert qu’était enterrée une bienheureuse laïque, épouse et mère de famille, béatifiée par Jean-Paul II, patronne des couples en difficulté : Elisabetta Canori Mora. Nous avons cherché à mieux la connaître, et nous avons été émerveillés.
Elisabetta Canori, Élisabeth, est née dans une riche famille romaine en 1774. À 22 ans, elle épouse un jeune avocat, Cristoforo Mora, Christophe, c’est pourquoi elle s’appelle désormais Elisabetta Canori Mora. Le jeune couple s’installe dans la maison des parents Mora. Ils auront 4 enfants, mais seulement deux filles survivront.
Le mariage de Christophe et Elisabeth est un fiasco. D’abord très amoureux de sa femme, Christophe est d’un tempérament jaloux. Au début du mariage, il lui interdit toute activité, toute sortie. Mais bientôt, il tombe amoureux d’une autre femme et trompe Élisabeth avec celle-ci pendant les 27 ans de leur vie conjugale. Christophe s’absente la nuit, rentre au petit matin. Sa maîtresse lui coûte beaucoup d’argent, il commence à négliger son travail d’avocat. Élisabeth et ses deux filles se retrouvent dans une situation financière désastreuse, Christophe n’assure plus ses responsabilités de mari et de père.
De son côté, Élisabeth élève ses deux filles en absence pratique de père. Elle reste fidèle à son mari, elle prie pour lui, pour sa conversion, mais aussi pour sa maîtresse. Elle dit explicitement qu’elle espère être au ciel avec elle, elle veut le salut de son âme. Dans la maison des Mora, elle est aussi persécutée. Son beau-père et ses deux belles-sœurs la critiquent ouvertement. Élisabeth trouve un soutien timide chez sa belle-mère qui l’aide à régler quelques-unes des dettes de son mari, mais en cachette du reste de la famille. C’est aussi elle qui l’aide à être généreuse avec les pauvres.
Élisabeth adhère au tiers-ordre des Trinitaires, fondé à la fin du XIIème siècle par saint Jean de Matha et saint Félix de Valois. L’objectif de l’ordre, à l’époque, est de racheter les esclaves chrétiens enlevés par les maures. Avec les Trinitaires, Élisabeth obtient un soutien spirituel. Malgré les pressions pour quitter son mari, elle lui reste fidèle. Elle vit désormais de son travail de couturière et subvient même aux besoins de son mari. Celui-ci est violent avec elle. Il la menace par exemple avec un couteau pour qu’elle lui fasse une autorisation écrite pour voir sa maîtresse, car à l’époque, les adultères étaient passibles de la prison. On lui conseille de quitter son mari, mais elle refuse. Elle veut être fidèle à son sacrement de mariage jusqu’au martyre, et vu la violence de celui-ci, elle risque en effet parfois sa vie.
Entre temps, Élisabeth mène une vie spirituelle dans le charisme de la spiritualité trinitaire. Elle exerce la charité pour les pauvres. Elle est favorisée de grâces mystiques : prophétie, lecture dans les cœurs, guérisons. Elle est l’amie d’une autre mère de famille, mystique elle aussi et tertiaire trinitaire, la bienheureuse Ana Maria Taigi. Son mari se moque d’elle et de ses bondieuseries. Elle lui répond : « Tu peux rire, mais un jour, tu diras la messe et tu te confesseras », ou encore : « La nuit de Noël viendra aussi pour toi. »
À la fin de l’année 1824, Élisabeth tombe malade. Sa maladie dure 40 jours pendant lesquels il lui semble que son mari change un peu d’attitude à son égard. Cependant, le 4 février 1825, il part voir sa maîtresse comme d’habitude. Quand il revient chez lui le lendemain matin aux aurores, Élisabeth n’est pas là pour l’attendre comme elle le faisait toujours. Elle est morte pendant son absence.
Alors brusquement, ses yeux s’ouvrent. Il réalise tout le mal qu’il lui a fait et commence un vrai chemin de conversion. C’est comme s’il tombait une nouvelle fois amoureux de sa femme. Il se fait pénitent, il reconnaît avoir été profondément indigne d’avoir une telle épouse. Ses regrets sont sincères, sa vie change. Il entre finalement chez les Franciscains et est ordonné prêtre en 1834, réalisant la prophétie de sa femme : « Un jour, tu diras la messe. » Il meurt 11 ans plus tard, en odeur sa sainteté. On peut dire qu’il est le chef d’œuvre de sa femme Élisabeth qui a prié et offert ses souffrances pour sa conversion pendant 27 années de mariage.
Elisabetta Canori Mora a été béatifiée par Jean-Paul II le 24 avril 1994 en même temps que Jeanne Beretta Molla qui avait refusé d’avorter alors qu’elle avait une tumeur à l’utérus. Jean-Paul II les a appelées toutes les deux : « femmes à l'amour héroïque ». Elisabetta a été proclamée patronne des couples en difficulté.
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