Laïc, marié, père de famille, professeur d'université, Frédéric Ozanam est un modèle de sainteté dans le monde.
C’est une joie pour moi de vous parler d’un bienheureux laïc, Frédéric Ozanam. J’ai eu l’occasion d’assister à sa béatification à Notre Dame de Paris par le pape Jean-Paul II pendant les JMJ de 1997.
Frédéric Ozanam naît à Milan en 1813. Il est le cinquième enfant d’une famille de 14 dont 11 meurent en bas âge. Lui-même a bien failli mourir à 6 ans d’une fièvre typhoïde. Le père est médecin. La famille retourne rapidement vivre à Lyon où Frédéric grandit.
Très vite, on se rend compte qu’il est surdoué. Il étudie facilement. Il parle 8 langues. Il fait des études de droit à la demande de son père, mais son intérêt se porte plutôt sur les études de lettres.
Il loge chez le grand physicien André-Marie Ampère. Il fréquente les grands romantiques de l’époque : Lamartine, Vigny, Chateaubriand, Sainte-Beuve… Il participe à un cercle appelé Conférence d’histoire et animé par le professeur Emmanuel Bailly, fondateur de la Tribune catholique et collaborateur du célèbre prédicateur dominicain, le père Lamennais. Le professeur Bailly réunit quelques étudiants chrétiens pour traiter de questions d’histoire, de droit, de littérature, de philosophie. Frédéric, membre de ce groupe, est un chrétien fervent. Il est convaincu qu’il existe une convergence profonde entre l’Évangile et la Déclaration des droits de l’homme de 1789, et aussi les principes de Liberté, Égalité, Fraternité. Nous sommes peu de temps après la révolution de juillet 1830 et les débats sont parfois très animés. Un jour, un étudiant met le groupe au défi : « Le christianisme a fait, autrefois, des prodiges, dit-il, mais actuellement, il est mort ! vous qui vous vantez d’être catholiques, que faites-vous ? Où sont vos œuvres, les œuvres qui prouvent votre foi et qui puissent nous la faire adopter ? » L’objection fait mouche. Plusieurs étudiants du groupe, dont Frédéric Ozanam, se disent qu’il ne faut pas en effet se contenter de parler de charité, mais la mettre en pratique en servant les pauvres et au lieu de faire une Conférence d’histoire faire une Conférence de charité. Le petit groupe démarre le 23 avril 1833 et se met sous le patronage de saint Vincent de Paul qui donnera plus tard son nom à l’œuvre qui s’appellera Société de saint Vincent de Paul.
Les membres du groupe se mettent en contact avec la bienheureuse sœur Rosalie Rendu, fille de la Charité, béatifiée aussi par Jean-Paul II. Sœur Rosalie organise la distribution des secours du bureau de bienfaisance du quartier de la rue Mouffetard. Le groupe de jeunes étudiants se met à son service. Frédéric devient vite le théoricien et l’âme de ce groupe, c’est pourquoi il en considéré le fondateur.
Les Conférences de charité prennent un essor rapide comme le souhaite Frédéric qui écrit à un de ses cousins un an après la fondation :
Je voudrais que tous les jeunes gens de tête et de cœur s’unissent pour quelque œuvre charitable et qu’il se formât, par tout le pays, une vaste association généreuse pour le soulagement des classes populaires.
Il a un rêve :
Je voudrais enserrer le monde entier dans un réseau de charité.
Quand les étudiants quittent Paris pour d’autres villes, ils démarrent de nouvelles conférences de charité à Nîmes, puis à Lyon, Rennes, Nantes… C’est une croissance extraordinaire.
Il se pose la question de sa vocation. Il n’est pas très attiré par le mariage. Il considère le mariage bourgeois tel qu’il est vécu à l’époque comme un égoïsme à deux. Il se montre parfois un peu misogyne. Il se voit plutôt comme un apôtre laïc, vivant dans le monde. L’abbé Noiret, ami de Frédéric, a l’idée de lui présenter Amélie Soulacroix, la fille du recteur de l’Académie de Lyon. Quand Frédéric découvre comment Amélie s’occupe de son frère Théophile handicapé, c’est le coup de foudre. Il est réciproque. Pour Frédéric, Amélie est un don de la Providence. La demande en mariage est faite le 21 novembre 1840, mais très vite, Frédéric doit partir à Paris où un poste à la Sorbonne lui est offert. Ce seront 7 mois de fiançailles épistolaires où les deux jeunes gens apprennent à se connaître dans leurs échanges écrits.
Le 23 juin 1841, Frédéric et Amélie se marient. Pendant toute sa vie, tous les 23 du mois, Frédéric offrira un bouquet de fleurs à sa femme pour fêter leur moisiversaire de mariage.
Le père Lamennais est déçu. Il espérait bien convaincre Frédéric de devenir dominicain. Il a cette parole un peu dépitée : « Pauvre Ozanam ! Lui aussi est tombé dans le piège ! » Ces paroles arrivent aux oreilles du bienheureux pape Pie IX qui réagit avec humour : « Je ne savais pas que Notre Seigneur avait institué 6 sacrements et un piège ! » (Cette anecdote a été racontée par le bienheureux Jean-Paul Ier dans une allocution du 13 septembre 1978).
Frédéric et Amélie se sont aimés passionnément. Ils se sont écrit d’innombrables lettres qui montrent la beauté et la profondeur de leur amour conjugal. Amélie est véritablement une aide assortie pour Frédéric. On sait maintenant qu’elle a eu une grande et bénéfique influence sur ce grand intellectuel. J’ai personnellement un regret que plusieurs personnes partagent avec moi : c’est que Frédéric ait été béatifié sans sa femme. Je forme le vœu qu’un jour l’Église s'intéresse aussi à la sainteté d’Amélie Ozanam pour que, si c’est la volonté de Dieu, Frédéric et Amélie puissent être canonisés ensemble. Cela correspondra au désir de Frédéric qui a affirmé maintes fois qu’il ne voulait pas être séparé de sa femme, lui qui considérait le mariage comme un chemin de sainteté à deux.
Au début de leur mariage, Amélie fait deux fausses couches qui sont une lourde épreuve pour le jeune couple. Chaque fausse couche est suivie d’un temps de séparation car Amélie doit se reposer. Ces séparations font beaucoup souffrir les époux qui supportent de moins en moins d’être séparés l’un de l’autre. Finalement, le 24 juillet 1845, ils ont une petite fille, Marie, qui sera enfant unique. La découverte de la paternité émerveille Frédéric. Il écrit à propos de son bébé :
je ne puis voir cette douce figure, toute pleine d’innocence et de pureté, sans y trouver l’empreinte sacrée du Créateur, moins effacée qu’en nous.
Pour lui, être père devient un ministère, une sorte de sacerdoce royal.
Pendant ce temps, il continue son travail à l’université. C’est un professeur très apprécié. Il passe beaucoup de temps à préparer ses cours. Il continue à vouloir communiquer sa foi. Il fonde avec le père Lacordaire un journal chrétien, L’ère nouvelle. Son objectif est de réconcilier le christianisme avec les valeurs républicaines. Il est aussi à l’origine des fameuses conférences de Carême à Notre Dame. C’est Lacordaire qui sera le premier conférencier.
En 1852, Frédéric Ozanam tombe gravement malade. On diagnostique une pleurésie. Il ne peut plus donner cours. Pourtant, alors que Paris est en ébullition avec le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, il se rend à la Sorbonne. Il explique à ses étudiants : « messieurs, on reproche à notre siècle d’être un siècle d’égoïsme et on dit les professeurs atteints de l’épidémie générale. Cependant, c’est ici que nous altérons nos santés, c’est ici que nous altérons nos forces. Je ne m’en plains pas, ma vie vous appartient, je vous la dois jusqu’au dernier souffle et vous l’aurez. Quant à moi Messieurs, si je meurs, ce sera à votre service. »
Frédéric Ozanam meurt à 40 ans, laissant une petite fille de 8 ans. Amélie va se dédier aux mémoires de son cher mari. Elle meurt en 1874 à l’âge de 72 ans.
Frédéric a été un pionnier de la doctrine sociale de l’Église. Il a dénoncé le libéralisme, l’exploitation des faibles par les plus forts, les inégalités économiques et sociales. Il a travaillé sur les droits des ouvriers. Mais c’est aussi un homme qui a voulu concilier foi et raison par son action, par son enseignement auprès des étudiants et par ses écrits.
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