"La foi ne doit pas avoir peur de la vérité", disait le Père Lagrange. Il a fondé l'École biblique et archéologique de Jérusalem au XIXe siècle, à une époque où les croyants étaient bousculés par les découvertes scientifiques. Aujourd'hui, les dominicains de l'École biblique poursuivent ce dialogue entre science et foi. À l'occasion de la Semaine sainte ils ouvrent leurs portes aux auditeurs de RCF.
Depuis ce Jeudi saint, RCF est installée au cœur de l’École biblique et archéologique de Jérusalem. Ce lieu est connu dans le monde entier par ceux et celles qui s'intéressent à la Bible, à son contexte, à son histoire. On y enseigne des disciplines comme l'épigraphie, la linguistique sémitique, l'assyriologie, l'égyptologie mais aussi l'histoire ancienne, la géographie et l'ethnologie. Ici, on n'a pas peur de la rencontre entre science et foi, au contraire, on la recherche dans la dynamique d'une approche historico-critique des textes bibliques.
Du 6 au 9 avril, vivez en direct sur RCF l’ensemble des offices du triduum pascal au cœur de l’école biblique et archéologique française de Jérusalem.
C’est en 1890 que le dominicain Marie-Joseph Lagrange a installé l'École pratique d'études bibliques dans un ancien abattoir turc. La future l'École biblique et archéologique française de Jérusalem est née dans le contexte particulier en Europe des grandes découvertes archéologiques, sur l’Égypte ancienne, la civilisation mésopotamienne. "Le XIXe siècle est un siècle assez étonnant pour la compréhension de la Bible, raconte Jean-Jacques Pérennès, le directeur actuel de l’École biblique, parce que tout a été bousculé." Ainsi on a découvert avec l’Épopée de Gilgamesh qu’un texte avait pu inspirer le récit biblique du Déluge. "On s’est dit mais qu’est-ce que la Bible a inventé ? Est-ce qu’elle n’a pas fait que reprendre des mythes anciens ?" Adam et Ève sont-ils les premiers humains sur terre ? Moïse est-il vraiment entré en Terre sainte ? La science est venue bousculer des croyances anciennes. "Il y a eu un véritable séisme dans le monde croyant au XIXe siècle."
Mais pour le Père Lagrange il fallait "prendre au sérieux ces découvertes scientifiques". "La foi ne doit pas avoir peur de la vérité", disait-il. "C’est très dominicain, commente le Frère Pérennès, nous sommes des hommes d’études et nous croyons que l’étude peut servir notre foi et notre compréhension de Dieu." À la suite du Père Lagrange, des dominicains, des savants au caractère aventurier, passionnés par la Bible et le Moyen-Orient, ont parcouru toute la région, de l’Égypte, à la Turquie jusqu’à l’Arabie du Nord, pour répertorier les sites. "Ils avaient deux passions, décrit le Frère Jean-Jacques, ils aimaient la Bible, ils aimaient la théologie, et puis ils aimaient l’Orient."
Parmi les découvertes qui ont fait la réputation de l’École biblique, celle dont on parle tout le temps c’est Qumrân, la découverte des manuscrits de la mer Morte. "Qumrân, c’est une découverte absolument spectaculaire, on a même dit : C’est la découverte du siècle, c’est un peu comme la découverte de la tombe de Toutânkhamon !" Jean-Jacques Pérennès est l’auteur d’un livre consacré à Roland de Vaux (1903-1971), qui était le directeur de l’École biblique quand les manuscrits ont été découverts, autour de 1948. Ces parchemins sont venus considérablement enrichir les connaissances sur "l’époque de Jésus, avant, pendant et un peu après". Mais Qumrân, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt, car on doit beaucoup d'autres découvertes aux dominicains de l’École biblique.
"Ce qui est important à comprendre, précise Jean-Jacques Pérennès, c’est qu’il y a eu une évolution dans la manière de faire de l’archéologie. L’archéologie d’abord été protestante, on voulait vérifier que la Bible disait vrai. On cherchait. Le problème c’est que ça ne collait pas…" Petit à petit, "on est arrivés à une archéologie beaucoup plus scientifique". Les dominicains de l’École biblique insistent sur leur vocation d’être des hommes de foi enracinés dans la tradition de l’Église constamment "en dialogue avec le monde scientifique en général pas forcément confessionnel". "Pour nous c’est très important d’être à la fois des vrais croyants, enracinés dans la tradition de l’Église et de la foi catholique, et en même temps d’être de plain-pied et en débat ouvert sans aucune réserve avec le monde scientifique contemporain."
Aujourd’hui l’École biblique, c’est un petit campus qui accueille une trentaine d’étudiants. Des chercheurs qui ont déjà un bon bagage universitaire. De profils variés, ils viennent d’un peu partout - de la Sorbonne, de l’École pratique des hautes études, mais aussi de l’étranger… Ils ont la possibilité d'y travailler aux côtés de savants ultra-spécialisés - comme le dit le directeur de l’École, "il y a peu d’endroits où on enseigne l’ougaritique ou l’accadien !" "Nous avons actuellement une boursière de l’académie qui s’intéresse à l’Empire achéménide, elle travaille sur les ostraca…" Comme le dit Frère Lukas, "tout le monde ici est extrêmement érudit". Et il n’est pas rare que les discussions à table portent sur la terminologie d’un mot ou son étymologie…
"Mettre côte à côte tous ces savants pourrait devenir épouvantable", admet Frère Jean-Jacques. Ce qui préserve des "querelles d’égo", c’est la vie de prière vécue en communauté. Frère Lukas le constate, il y a une certains "ascèse" ici, entre l’étude et la prière. "Ça donne aussi un certain rythme de vie, une certaine paix." Même si chaque dimanche, le campus reçoit les familles venues assister à la messe, précise Frère Martin, ce qui "donne un équilibre".
"Il y a toujours un risque à se reposer sur les gloires du passé continuer à parler du père Lagrange et du Père de Vaux." L’École biblique a élaboré un plan stratégique pour les dix ans à venir. Un plan axé sur "le dialogue entre exégèse scientifique et théologie catholique et le dialogue entre archéologie et exégèse", décrit Frère Antoni. "On aimerait que l’école soit toujours vraiment au centre de ces débats dans l’Église et aussi à l’extérieur de l’Église." Un important projet numérique va bientôt aboutir : la Bible en ses traditions (BEST), une édition des Écritures saintes destinée aux spécialistes, avec les commentaires et les différentes versions. Résolument tournée vers l'avenir, l'École biblique continue d’être innovante.
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