On ne peut pas être catholique et franc-maçon, déclarait le Vatican le 15 novembre dernier dans un document approuvé par le pape François. Le contenu de cette note a fait grand bruit. Pourtant, cela fait depuis 1738 que l'Église déclare incompatibles catholicisme et franc-maçonnerie. Mais selon certains observateurs, il est nécessaire encore aujourd'hui de le rappeler, même aux catholiques.
C’est un évêque philippin, Mgr Julito Cortes, qui s’inquiétait de "l'augmentation continue du nombre de membres de la franc-maçonnerie" dans son diocèse. Déjà en 2010, l’Église catholique des Philippines avait dû clarifier la situation, quand un franc-maçon n’avait pu devenir témoin d’un mariage catholique. Mgr Julito Cortes a donc écrit au Vatican pour savoir comment appréhender cette situation.
La réponse du Vatican a été claire : "Sur un plan doctrinal, il doit être rappelé que l’appartenance active à la franc-maçonnerie par un fidèle est interdite en raison de l’incompatibilité entre la doctrine catholique et la franc-maçonnerie." Ce document, daté du 13 novembre et publié le 15, a été approuvé par le pape François.
Si la réponse du Vatican a beaucoup fait parler d’elle, "il ne faut pas lui donner l’importance que [le document] n’a pas", estime l’historien Christian Sorrel, professeur émérite d'histoire contemporaine à l’université Lyon-2, auteur de "Passion catholicisme - Itinéraires historiques contemporains" (éd. Cerf, 2023). Un document du même genre avait été publié le 8 novembre dernier au sujet des personnes transsexuelles. "Ce n’est pas une lettre encyclique, ce n’est pas une lettre apostolique, ce n’est pas un motu proprio", précise l'historien.
Par ailleurs, cette note sur la franc-maçonnerie ne fait que répéter ce qui est inscrit dans le magistère, c’est-à-dire les textes officiels de l’Église catholique.
"In eminenti apostolatus specula" : c’est le nom de la première bulle papale contre la franc-maçonnerie, en 1738. Depuis, l’Église catholique a redit l’impossibilité d’être catholique et franc-maçon au long des siècles. Ainsi, en 1983, Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, a signé, en tant que préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, une "déclaration sur l’incompatibilité entre l’appartenance à l’Église et la franc-maçonnerie". On peut y lire : "Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion." On ne peut plus clair !
Pourtant, la récente note du Vatican est "un rappel à l’ordre non seulement nécessaire mais même indispensable", estime Serge Abad-Gallardo, catholique et ancien franc-maçon, auteur de "Franc-maçonnerie et politique - Les liaisons dangereuses" (éd. Artège, 2023). Pour lui, il y a des catholiques qui pensent pouvoir être aussi francs-maçons.
"Un certain nombre de prêtres n’ont absolument pas conscience de la complexité de la nature de la doctrine maçonnique", prévient Serge Abad-Gallardo. Dans sa note de novembre 2023, le dicastère pour la Doctrine de la foi encourage d'ailleurs la conférence épiscopale des Philippines à "mettre en œuvre une stratégie coordonnée entre les évêques..."
La franc-maçonnerie possède ses propres dogmes tout en refusant ceux de l’Église catholique
Certes, la franc-maçonnerie est "née dans un terreau chrétien", rappelle Christian Sorrel, mais "elle a relu différemment le message chrétien, elle s’en est éloignée". Et au cours du XVIIIe siècle, le siècle des Lumières, "le fossé s’est creusé entre les loges maçonniques et le message de l’Église". Aujourd’hui, la franc-maçonnerie est devenue "un monde très complexe", observe l'historien, "elle est différente selon les pays".
Plusieurs éléments rendent la religion catholique incompatible avec la franc-maçonnerie. Par exemple l’idée de ce qui doit être tenu secret par un franc-maçon, même devant un confesseur. "Au XVIIIe siècle, la question du secret à garder face au confesseur est quelque chose de très important", précise Christian Sorrel.
Celui que les francs-maçons nomment "le grand architecte de l’univers" ne peut être le Dieu des chrétiens, trinitaire, estime Serge Abad-Gallardo. "La franc-maçonnerie, dit-il, possède ses propres dogmes tout en refusant ceux de l’Église catholique." Un catholique qui deviendrait franc-maçon devrait abandonner "les dogmes de l’Église" comme ceux de "la Trinité sainte, la virginité mariale, l’Immaculée conception, la résurrection du Christ, etc."
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